Lancet Gate : coup dur pour la crédibilité de la recherche scientifique
Londres, le vendredi 5 juin 2020 - Les très nombreuses
critiques émises sur l’article publié le 22 mai dans le
Lancet, qui se basant sur l’analyse des dossiers de 96 000
patients infectés par SARS-CoV-2 dans le monde entier tendait à
démontrer l’inefficacité et surtout la dangerosité de
l’hydroxychloroquine chez ces malades, ont conduit les trois
principaux auteurs de l’étude, dont Mandeep Mehra (Harvard
Medical School) à demander qu’un audit indépendant soit réalisé
sur les données sur lesquelles ils s’étaient fondées, transmises
par l’entreprise Surgisphere.
Cependant, bien qu’ayant obtenu l’accord de Surgisphere
et de son fondateur le docteur Sapan Desai (coauteur de l’étude
mais qui ne s’associe pas à la rétractation), les experts
indépendants ont indiqué à Mandeep Mehra et à son équipe que
l’entreprise refusait de transférer « l’ensemble des données
» et notamment les contrats passés avec les hôpitaux et les
rapports d’audit complets. Compte tenu de cette situation, faute de
pouvoir réaliser l’analyse indépendante attendue et soucieux de
présenter au Lancet des résultats répondant à une haute
exigence éthique, les auteurs ont décidé de retirer leur article.
Alors que les trois auteurs formulent dans ce texte des excuses aux
lecteurs et à la revue, Madeep Mehra a par ailleurs publiquement
regretté : « Je n'ai pas fait assez pour m'assurer que la source
de données était appropriée. J'ai toujours effectué mes recherches
conformément aux plus hautes directives éthiques et
professionnelles. Cependant, nous ne pouvons jamais oublier la
responsabilité qui nous incombe en tant que chercheurs de veiller
scrupuleusement à ce que nous nous appuyions sur des sources de
données qui respectent nos normes élevées. Pour cela, et pour
toutes les perturbations - directes et indirectes - je suis
vraiment désolé ».
D’autres études retirées ou en question
Parallèlement à cette rétractation évidemment commentée dans le
monde entier tant avaient été nombreuses les conséquences de la
publication du Lancet (suspension notamment des essais de
l’OMS autour de l’hydroxychloroquine, fin de l’autorisation de
prescription hors recherche en France…sans parler d’une Une du
JIM), les auteurs d’une étude proche reposant également sur les
données Surgisphere publiée début mai dans le New England
Journal of Medicine ont également retiré leur article. Dans ce
cas, Sapan Desai s’est associé à cette rétractation et les
responsables de l’étude ne donnent pas de précision sur les
conditions qui les ont conduits à cette décision. Aujourd’hui
enfin, les projecteurs sont braqués sur une autre étude également
publiée sur la foi des données de Surgisphere mettant en
avant l’efficacité de l’ivermectine, utilisée dans de nombreux pays
d’Amérique latine pour justifier la prescription de ce traitement,
alors que les doutes sérieux existent également sur la validité des
données.
Discours inaudible
La rétractation de l’article du Lancet est une véritable
déflagration dans la communauté médicale. Les failles qu’elle
révèle dans le processus de publication ne peuvent en effet que
conforter certains détracteurs, dont les discours mettent
régulièrement en avant le manque d'intégrité de la recherche et les
méfaits de la collusion avec certains intérêts financiers pour
justifier leur défiance. Comment, alors que ce que certains ont
appelé le Lancet Gate parait flatter les thèses des
conspirationnistes et complotistes, parvenir à rappeler le
caractère incontournable des règles de la démarche scientifique,
qui ont été ici si facilement bafouées ?
L'influence sournoise des sociétés pharmaceutiques
Le 05 juin 2020
Dans ma jeunesse, un vieux médecin m'avait averti: " Vous verrez, en vieillissant, les médecins deviennent aussi incroyants que les vieux curés."
Il y a longtemps que j'ai perdu la "foi"... Sceptique de nature, j'ai toujours lu les revues médicales d'un œil critique. Et de plus en plus, je devinais l'influence sournoise des sociétés pharmaceutiques. Les attaques soudaines parues dans les revues médicales contre l'usage de médicaments si bien connus de longue date comme la chloroquine et l'hydroxychloroquine avaient de quoi mettre la puce à l'oreille. L'apothéose est survenue avec les publications de revues prestigieuses comme The Lancet et le New England Journal of Médecine qui ont dû être retirées en raison de leur manque de sérieux ! Même les grandes revues internationales sont visiblement à la botte de l'industrie pharmaceutique toute puissante. Il suffit pour s'en convaincre (s'il le faut encore) de lire: " Anatomie d'un désastre" du célèbre expert en santé publique, Jean-Dominique Michel, anthropologue de la santé. Si après cette lecture édifiante les écailles ne vous sont pas encore tombées des yeux, c'est que votre cas est désespéré: la littérature médicale dans une large partie ne vaut pas tripette, maintenant plus que jamais, manipulée par la puissance financière de l'industrie pharmaceutique. Pauvre médecine...
Dr Camille Willem, Urologue retraité (et heureux de l'être !)
Lancet et big data
Le 05 juin 2020
Pour avoir personnellement mis en place il y a maintenant plus de 15 ans, après un exercice officinal de plus de 30 ans, une capacité statistique basée sur la remontée de données de toutes les ventes de plus de 5000 officines, je peux témoigner de la difficulté de fournir des stats fiables sans erreur de compilation et de traitement de données issues de bases de données hétérogènes.
Si on ajoute l’interprétation à visée commerciale, donc filtrée, on aboutit fatalement à conclure dans le sens que l’on voulait prouver. Je n’accuse personne, mais l’invasion croissante des sachants mathématiques dans le milieu médical provoque une presbytie de plus en plus forte des véritables experts. Je veux parler des professionnels de terrain Médecins, Pharmaciens laissés pour compte par les décisionnaires.
Pierre Raout (pharmacien)
Attention à la médecine "fast food"
Le 06 juin 2020
Tout à fait d'accord avec le Dr Pierre Raout. De bonnes études reposent d'abord sur un épluchage et un recueil méticuleux des données. Ces très grandes études ne doivent pas impressionner, elles doivent au contraire attirer une certaine méfiance. .