Le terrible sort des bébés ukrainiens nés par GPA

Kiev, le lundi 21 mars 2022 – Depuis le début du conflit en Ukraine, des dizaines d’enfants destinés à être confiés à des parents occidentaux vivent abandonnés sous les bombes.

En proie à la guerre depuis l’invasion russe du 24 février dernier, l’Ukraine n’était pas seulement un grand exportateur de blé, comme nous l’avons déjà évoqué dans un de nos précédents articles. C’est aussi l’un des plus importants exportateurs mondiaux…de bébés. En effet, l’ancienne république soviétique est l’un des seuls pays du monde à ouvrir la gestation pour autrui (GPA) aux étrangers. Depuis que la Thaïlande et l’Inde ont fermé leurs ventres aux étrangers en 2015, les Occidentaux en mal d’enfant se sont donc tournés vers l’Ukraine et chaque année se sont entre 2 000 et 4 000 enfants Ukrainiens qui sont réservés par des étrangers. En principe, seuls les couples hétérosexuels mariés sont autorisés à y récupérer un enfant, mais en pratique, les autorités ukrainiennes ferment les yeux sur les entorses à la loi.

Une maternité de fortune dans un abri anti-bombes

Depuis le début de l’invasion russe, les parents d’intention ne peuvent plus se rendre dans le pays pour récupérer « leur » enfant. La société BioTexCom, leader du marché ukrainien des bébés, a donc ouvert une maternité de fortune dans un abri souterrain à Kiev, nous raconte Le Figaro dans son édition de ce lundi. Dans un sous-sol d’immeuble, ce sont 20 bébés qui s’entassent, pouponnés par six puéricultrices. « Mes enfants ont pris les armes, mais moi aussi j’ai un rôle dans cette guerre, je protège ces bébés » explique l’une d’entre elles. Abandonnés par leur mère porteuse et leurs parents d’intention, ces enfants n’ont pas d’existence légale et les nourrices ont dû leur inventer des prénoms provisoires.

Le récent bombardement de l’hôpital pédiatrique de Marioupol a ravivé la crainte que le refuge soit pris pour cible. Par chance, les bombardements russes restent pour le moment sporadiques dans le centre-ville de Kiev et les puéricultrices peuvent s’occuper de ces enfants dans une relative sécurité. Pour protéger la maternité de fortune, BioTexCom a par ailleurs fait appel à une milice d’extrême droite, le bataillon Karpatska Sich.

Déjà avant la guerre, le commerce de bébés ukrainiens avait été perturbé par l’épidémie de Covid-19. L’enfant le plus âgé du refuge est ainsi né il y a 6 mois. Il est destiné à un couple de chinois qui ne peuvent quitter leur pays en raison des règles sanitaires actuellement en vigueur.

Victimes de la guerre et de la marchandisation sans limite

L’ONG Growing Families souhaite organiser des convois humanitaires pour ramener ces enfants à la frontière polonaise, où leurs parents d’intention pourraient les récupérer, solution soutenue par la Commission Européenne. Se pose aussi la question du sort des mères porteuses. Quelque 500 femmes ukrainiennes porteraient actuellement un bébé destiné à des parents étrangers. Contrairement à ce qu’expliquent parfois quelques belles âmes en France, leur principale motivation est bien sur financière. Une mère ukrainienne touche environ 13 500 euros par grossesse, mais dont la moitié est versée à la remise de l’enfant. Certaines mères porteuses souhaitent donc partir à l’étranger pour pouvoir remplir leur part du contrat et toucher le solde du contrat, mais d’autres ne veulent pas quitter leur pays en guerre.

Le journal Le Monde (qui contrairement au Figaro, s’attarde plus sur les difficultés des « parents d’intention » que sur les enfants abandonnés à leur sort !) raconte ainsi le désarroi d’un couple d’homosexuel français. En sécurité à Paris, ils s’inquiètent car leur mère porteuse n’a pas voulu quitter l’Ukraine et a finalement gardé l’enfant avec elle. « Nous savons que plus notre enfant reste avec la mère porteuse, plus le risque d’attachement est fort, c’est que nous ne voulons pas » explique-t-ils.

Qu’on nous permette de conclure que notre compassion ira plutôt vers ces mères et ces nouveau-nés, victimes à la fois de la guerre et de la marchandisation du corps humain.

Quentin Haroche

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Vos réactions (7)

  • Réflexion éthique sur la GPA

    Le 21 mars 2022

    Voilà de quoi nourrir notre réflexion éthique sur la GPA...

    Etienne Muller (IDE)

  • Une honte pour ces médecins

    Le 21 mars 2022

    Je n'ai lu ni le Monde ni le Figaro, mais ce que vous décrivez montre à quelle dérive nous assistons avec la GPA. Un pays "fournisseur de bébés" cela devrait à mon sens être interdit comme la GPA en France qui, heureusement, reste encore interdite. Anéantissement du lien mère/enfant crée pendant la grossesse, alors que l'on en connaît bien l'impact, (cf l'épigénétique), aucune vie privée pour les femme porteuses pendant leur grossesse, enrichissement des intermédiaires, enfant considéré comme un objet, que l'on peut acheter, corps des femmes marchandisés. Le sort de ces bébés est lamentable, celui de leur "mères" également. L'éthique a totalement disparu. Une honte pour les médecins qui ont de telles pratiques.

    Dr Fanny Cohen

  • Décevante propagante anti-GPA

    Le 21 mars 2022

    Il est décevant de voir un article orienté clairement anti-GPA... faire de la propagande anti-GPA en utilisant le malheurs d'hommes, de femmes et d'enfants...c'est pathétique...

    José Antonio Viana Ortega (IDE)

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