
Les désordres du spectre de l’autisme (ASD) sont marqués par
des déficits persistants affectant la communication sociale, les
interactions et des comportements répétitifs. En 2017, leur
prévalence aux USA était estimée à 5 437 988 adultes, soit 2,21 %
de la population. Chez les enfants, celle-ci n’a cessé de croître
ces dernières décennies, de par une meilleure reconnaissance de
l’affection et une identification plus grande des formes moyennes,
sans détérioration intellectuelle. En 2016, un enfant de 8 ans, sur
59, présentait des critères justifiant une surveillance et un
enfant/40 entre 1 et 17 ans, avait eu un diagnostic d’ASD posé chez
un de ses parents.
Une revue systématique avec méta-analyse et des investigateurs indépendants
Une nouvelle revue systématique avec méta-analyse a été menée, ciblant les études épidémiologiques disponibles traitant des comportements d’automutilation et suicidaire chez les enfants et adultes souffrant d’ASD. Il a été conduit une recherche systématique dans les grandes banques de données : PubMed, Embase, CINAHL…, depuis leur création jusqu’en Avril ou Juin 2020, sans restriction de langue, d’âge ou de date de la publication. Des investigateurs indépendants ont évalué la conception des travaux, le type de population ciblée, les définitions retenues pour l’ASD et les gestes automutilants ainsi que le devenir clinique des patients. Les OR pour les associations entre ASD et automutilation ou suicide furent calculés, stratifiés en fonction du type d’étude et de l’âge des malades. La comparaison porta avec la population générale ou avec des individus indemnes de troubles comportementaux en rapport avec un ASD. Les études pédiatriques et adultes furent résumées de façon distincte.31 études de qualité modérée à grande retenues dans l’analyse finale
Sur 3 113 titres et abstracts retrouvés après recherche bibliographique, 110 restèrent potentiellement éligibles. Après exclusions diverses, 31 études furent retenues, jugées de qualité modérée à grande. 16 (52 %) avaient été conduites chez des enfants, 13 (43 %) en milieu adulte et 2 (6 %) dans les 2 sous-groupes de population. 17 d’entre elles retrouvèrent une association entre ASD et comportement auto mutilant, l’OR variant entre 1,21 et 18,76, avec un OR commun calculé à 3,26 (IC à 95 % :2,74- 3,84 ; I2 à 92,56 %). 7 autres études ne décelèrent aucune association. 16 analysèrent l’association entre ASD et suicidabilité. L’OR alla de 0,86 à 11,10 pour un OR mixte à 3,32 (IC 95 %: 2,60- 4,29 ; I2 à 94,95 %). La grande majorité des études (71 %) prirent la population générale comme groupe témoin. Des analyses stratifiées, suivant le cadre clinique ou l’âge, fournirent des résultats similaires. Toutefois, il apparut que les adultes étaient plus à risque d’automutilation que les enfants : l’OR se situant à 1,45 (IC 95 % : 1,04- 2,03). Faute d’informations suffisantes, l’impact du sexe et des comorbidités ne put être correctement évalué. Il faut toutefois regretter le haut niveau d’hétérogénéité des travaux retenus.L’ASD est associé à un risque 3 fois plus important de comportement auto-mutilant chez l’adulte et l’enfant
Ces dernières décades, l’incidence des tentatives de suicide ou des idées suicidaires, dans la tranche d’âge 5- 19 ans, prises en charge aux Urgences, a doublé aux USA. Des études récentes suggèrent que les individus présentant un ASD sont à risque particulièrement élevé d’automutilation et d’autolyse. La méta-analyse ici rapportée confirme que l’ASD est associé à un risque 3 fois plus important de comportement auto mutilant, tant chez l’adulte que chez l’enfant, les OR, selon les publications allant de 1,26 à 8,47. Un impératif majeur de santé publique est donc de mettre en route des interventions ciblées afin de bien identifier ces sujets et de réduire ce risque.Limites de l’analyse
Plusieurs réserves sont cependant à signaler, inhérentes aux
types d’études. Les estimations entre ASD et automutilation n’ont
pu être ajustées à des comorbidités très importantes comme les
déficits d’attention/hyperactivité ou encore les troubles
intellectuels. Il a déjà été regretté l’hétérogénéité majeure des
publications sélectionnées pour la méta-analyse. Le devenir des
patients a été variable selon les études et il n’a pas été mené
d’analyse pour certaines automutilations particulières. Des biais
de publication ont pu survenir. Enfin, il importe de tenir compte
du nombre croissant d’année en année, d’ASD diagnostiqués.
Dr Pierre Margent