
La chirurgie générale en urgence (CGU) a été étudiée tardivement
par ce qu’elle regroupe des malades disparates et que le recueil
des données y est plus difficile qu’ailleurs. Et, dans le contexte
particulier de la chirurgie traumatique, on a observé des résultats
moins bons chez les Noirs que chez les Blancs en termes de
mortalité et de séquelles, mais il semble que ceci soit dû à la
qualité des hôpitaux qu’ils fréquentent.
Afin d’approfondir cette question, des auteurs américains ont
étudié 3 types d’interventions : résection de grêle, colectomie, et
suture de perforations d’ulcère gastroduodénal, réalisées dans les
24 h après l’admission en urgence. Ils ont tenu comte du
pourcentage de Noirs traités en urgence dans chaque hôpital, pour
classer les patients par quartiles selon leur hôpital et comparer
leur mortalité (du quartile le plus haut au quartile le moins
élevé). On a ainsi pu classer les hôpitaux selon leur taux moyen de
mortalité et voir, si à l’intérieur de chacun d’eux, il y avait une
disparité selon l’ethnie.
Les 3 interventions explorées ont été réalisées, entre 2000 et
2008, chez 93 954 malades, dans les 24 h suivant l’admission. Les
Noirs représentaient 14 % de la population. A noter que le
pourcentage d’hommes était plus élevé chez les Noirs, qui
étaient par ailleurs plus jeunes que les Blancs.
On a constaté que les Noirs fréquentaient majoritairement certains hôpitaux, au point qu’1/4 des hôpitaux ont traité les ¾ des Noirs, notamment ceux qui ont vocation d’enseignement, et principalement dans les États du sud des États-Unis.
En moyenne, le risque de mortalité chez les Noirs dépasse de 10
% celui des Blancs après chirurgie générale en urgence (odds ratio
ajusté [ORa] = 1,10 ; p = 0,02). Mais on constate en fait que les
taux de décès sont plus forts dans les centres qui traitent une
majorité de Noirs, et que, dans ces établissements, la surmortalité
des Blancs est aussi de 10 % par rapport aux hôpitaux peu
fréquentés par les Noirs. Cette différence devient tout à fait
significative sitôt que le taux des Noirs traités en CGU dépasse 6
% (ORa = 1,16 à 1,42 ; p = 0,002), et s’accroît au-delà de 18 %
(surmortalité de 25 %).
Après ajustement en fonction de l’âge, du sexe, des pathologies
associées, de la présence d’un cancer, du type d’assurances, etc.,
on ne retrouve plus aucune différence entre Noirs et Blancs à
l’intérieur d’un même hôpital en termes de mortalité.
C’est donc bien dans le niveau des structures de soins qu’il faut chercher la cause du contraste des résultats de la chirurgie d’urgence entre Noirs et Blancs.
Dr Jean-Fred Warlin