
En 1914, pour la première fois, le chirurgien Evan Kane décrivait l’intérêt de disposer d’un phonographe en salle d’opération. Depuis, de nombreux travaux ont été consacrés à l’effet de la musique sur l’anxiété, la douleur et la récupération après les interventions chirurgicales. Mais l’on ne peut pas dire qu’en 100 ans la formule ait été reprise largement en pratique. Une nouvelle publication pourrait en relancer l’idée. Il s’agit d’une revue systématique des essais randomisés publiés sur le sujet, avec méta-analyse. Au total 73 essais ont été retenus.
Le choix de la musique, le moment, le mode et la durée de sa diffusion varient selon les travaux, mais l’analyse des essais retenus confirme l’effet bénéfique de la musique sur la douleur postopératoire (différence moyenne – 0,77 ; intervalle de confiance à 95 % [IC] - 0,99 à – 0,56) et l’utilisation d’antalgiques (- 0,37 ; IC - 0,54 à - 0,20). Globalement, les patients qui ont bénéficié de musique se disent plus satisfaits (1,09 ; [IC] 0,51 à 1,68). L’efficacité de l’écoute de la musique apparaît même quand l’intervention s’est déroulée sous anesthésie générale. En revanche, il n’est observé aucun effet sur la durée du séjour hospitalier (- 0,11 ; [IC] - 0,35 à 0,12).
Plusieurs mécanismes sont avancés pour expliquer cet effet. Les théories modernes sur la douleur suggèrent que les activités cognitives telles que l’écoute musicale modifient la perception du degré et du côté déplaisant de la douleur, donnant au patient l’impression que celle-ci est moins intense. Une autre hypothèse est celle d’une réduction de l’activité du système nerveux autonome, avec ralentissement du pouls, du rythme respiratoire et baisse de la pression artérielle. D’autres types de distractions pourraient avoir les mêmes effets, comme regarder une vidéo ou écouter une lecture. Certains dentistes l’ont bien compris, qui disposent un écran vidéo au dessus du fauteuil du patient.
Quoi qu’il en soit, les auteurs soulèvent quelques questions que devrait poser l’écoute de la musique en salle d’opération. L’une d’elles, et pas la moindre, est le choix de la musique : le patient doit-il choisir lui-même sa musique et en ce cas, que se passe-t-il si ce choix ne convient pas à l’équipe chirurgicale ? N’y a-t-il pas un risque que l’attention du chirurgien ou des aides opératoires soit distraite par la musique ? En ce qui concerne le moment de l’écoute et la façon dont la musique est délivrée (écouteurs, diffusion en salle d’opération, etc.), ils ne semblent pas avoir d’impact significatif sur l’efficacité de la méthode, et pourraient donc être adaptés par chaque équipe.
Dr Roseline Péluchon