
Dans la rubrique « Psychiatrie en musique » du British Journal of Psychiatry, qui invite à découvrir la musique par les chemins de traverse de la psychiatrie, le Professeur F Mai (Université d’Ottawa, Canada) rappelle que l’illustre Beethoven connaissait des épisodes dépressifs accompagnés d’idées suicidaires et, plus rarement, des accès maniaques pouvant se refléter dans ses lettres et dans sa musique : le dernier mouvement du Quatuor à cordes n° 6, opus 18 en si bémol majeur (La Malinconia, terme italien pour mélancolie) comporte de brusques alternances de tempo et de rythme rappelant, musicalement, les sautes d’humeur émaillant la maladie bipolaire. En ajoutant la surdité progressive, un saturnisme (iatrogène ?), des problèmes gastro-intestinaux chroniques (aggravés par un recours inconsidéré aux laxatifs), on comprend que la vie de Ludwig ne devait pas être tout à fait une paisible Symphonie Pastorale ( http://fr.wikipedia.org/wiki/Symphonie_n%C2%B0_6_de_Beethoven).
Mais Beethoven a aussi « affiché des émotions positives dans son œuvre », le meilleur exemple étant bien sûr sa traduction musicale du poème de Schiller, l’Ode à la Joie, illuminant sa Neuvième Symphonie dans l’exaltation lyrique de la paix et de la fraternité, et devenue depuis notre hymne européen : http://europa.eu/abc/symbols/anthem/index_fr.htm.
En contraste total avec ce chef d’œuvre, Beethoven avait pourtant une très faible tolérance à la frustration et s’emportait au point d’en venir parfois à frapper son frère Caspar Carl ou à lancer des objets sur ses serviteurs : on imagine le tollé juridique et médiatique que ces troubles du comportement susciteraient aujourd’hui !…
Sans jamais avoir convolé en justes noces, Beethoven aurait eu « plusieurs aventures » dont une avec une femme mariée, passée à la postérité comme « la Chère Inconnue » et pour laquelle il écrivit des lettres d’amour : derrière le musicien de génie, l’homme. Et derrière l’homme, le malade : Beethoven « appréciait tellement le vin qu’il en résulta une cirrhose du foie » à l’origine de son décès prématuré, à 56 ans. Mais l’émotion de sa musique demeure, transcendant toutes ces mesquineries médicales.
Dr Alain Cohen