Montréal, le vendredi 23 avril 2010 – L’amélioration de la santé des femmes et des jeunes enfants dans les pays en voie de développement devrait figurer parmi les principaux sujets de discussion du prochain sommet du G8 qui se déroulera à Huntsville (Ontario, Canada) du 25 au 27 juin prochain. Or, à l’heure de la préparation d’un plan sur ce thème qu’il devra présenter lors de la réunion, le gouvernement canadien a été au cœur d’une polémique. Le ministre des Affaires étrangères, Lawrence Cannon et plusieurs autres membres du gouvernement ont ainsi fait part de leur refus de voir intégrée la planification familiale dans un programme lancé par le G8. Cette prise de position a bientôt suscité de nombreux commentaires, tandis que lors d’une réunion de préparation de ce sommet à Gatineau (Canada) à la fin du mois de mars, le secrétaire d’Etat américain aux affaires étrangères, Hillary Clinton a exprimé très clairement sa position en la matière : « Il n’y a pas de santé maternelle sans santé reproductive. Et la santé reproductive inclut la contraception, la planification familiale ainsi que l’accès légal et sécuritaire à l’avortement » a-t-elle clairement énoncé. Il semble que ces déclarations aient eu un impact sur le plan préparé par le gouvernement canadien. Ce dernier a ainsi souhaité s’inspirer de l’expertise mondialement reconnue de la Norvège en la matière. Or, hier, le conseiller spécial en matière de santé du chef du gouvernement norvégien, Tore Godal, consulté par le premier ministre canadien, a assuré que le gouvernement de Stephen Harper n’avait émis au cours de leur discussion aucune opinion défavorable à l’égard de la planification familiale.
Limiter le nombre de grossesses précoces et rapprochées
Quelle que soit la position qui sera finalement adoptée par le gouvernement canadien, l’avancée de ces réflexions est observée avec le plus vif intérêt par les organisations humanitaires qui partout dans le monde oeuvrent pour l’amélioration de la santé maternelle. Ainsi, Oxfam France, le Mouvement français pour le planning familial et Equilibres & Populations ont récemment signé un communiqué afin de rappeler que « des études récentes ont montré que l’accès à la contraception moderne pour toutes les femmes qui souhaitent en bénéficier se traduirait par une baisse de 30 % du nombre de décès maternels ». La dernière étude publiée par la revue The Lancet sur la mortalité maternelle dans le monde, financée par la Fondation Bill et Melinda Gates, confirme la nécessité de permettre aux femmes de mieux contrôler les naissances. Ainsi, commentant ces travaux lors d’une réunion à l’ONU le 14 avril dernier, un représentant de l’organisation Partners in Population and Developement, Jyoti Singh a observé : « Il apparaît clairement que l’accès aux services obstétriques et à la planification familiale a permis de faire baisser la mortalité maternelle. (…) Un doublement du financement de la planification familiale est nécessaire si l’on veut réaliser les objectifs du millénaire (qui tablent sur une diminution de 75 % de la mortalité maternelle en 2015 par rapport à 1990, ndrl) ». De son côté, commentant toujours les résultats de cette étude, une représentante de l’ONG International Planned Parenthood a souligné que « Cent quatre-vingt-deux femmes continuent (…) de mourir tous les jours en raison de complications liées à des avortements à risques, parce qu’elles n’ont pas les moyens financiers d’opérer des choix plus sûrs, ou parce que l’avortement reste illégal dans leur pays ». Enfin, Julie Ancian de Médecins du monde remarque : « L’accès à la planification familiale volontaire est un élément important des politiques d’amélioration de la santé maternelle. Les grossesse précoces et les grossesses rapprochées constituent un sur risque avéré de mortalité maternelle ».
Augmentation de la mortalité maternelle en Afrique de l’Ouest
Outre cette mise en avant de la nécessité de permettre aux femmes de mieux contrôler les naissances pour limiter la mortalité maternelle, l’étude révèle une diminution importante du nombre de femmes mortes en couches entre 1980 et 2008. Leur nombre était en effet estimé à 526 300 en 1980 et atteindrait aujourd’hui le chiffre encore inacceptable de 342 900. Le taux de mortalité maternelle est ainsi passé de 422/100 000 naissances vivantes en 1980 à 251/100 000 aujourd’hui. Cette évolution correspond à une diminution de 1,3 % par an depuis 1990 qui s’avérera insuffisante pour atteindre les objectifs du millénaire qui nécessiteraient une chute de la mortalité maternelle de 5,5 % tous les ans dans le monde. Par ailleurs, cette diminution ne concerne pas l’ensemble des pays en voie de développement. Vingt-trois pays sont certes particulièrement bien engagés dans cette voie, tels en particulier, l’Egypte, la Chine, l’Equateur et la Bolivie mais d’autres ont vu leurs efforts en la matière stagner, voire régresser. Ainsi, la mortalité infantile a augmenté de 5,5 % au Zimbabwe, tandis que seize autres pays d’Afrique sub-saharienne sur les quarante-six étudiés ont vu le nombre de femmes mourant en couches progresser entre 1990 et 2008. Ainsi, en Afrique de l’Ouest, le taux de mortalité maternelle moyen est passé de 582/100 000 en 1990 à 629/100 000 en 2008.
Martine Pichet