
Bruxelles, le vendredi 17 octobre 2014 – L’obésité est un fléau dans la plupart des pays occidentaux et la Belgique n’échappe pas à la règle : selon des chiffres publiés à la fin 2013 par le Conseil supérieur de la santé, 54 % des hommes et 40 % des femmes y sont en surpoids, tandis que 14 % de la population souffre d’obésité. Comme partout, les programmes mis en place contre ce phénomène répondent à des orientations diverses : développer des systèmes de prévention efficaces permettant de freiner la propagation de l’obésité, prendre en charge les personnes atteintes pour les accompagner dans leur perte de poids et enfin lutter contre la très forte stigmatisation qui touche les sujets concernés. Ce dernier objectif suppose d’offrir une autre représentation aux personnes obèses que celle qui leur est traditionnellement dévolue : elles sont le plus souvent cantonnées à être les héroïnes de programmes affligeant de télé réalité.
De la médecine à la politique
Maggie De Block, sans en faire une profession de foi, pourrait être l’archétype du personnage public en surpoids dont la dimension va bien au-delà d’une militante défendant la cause des sujets atteints d’obésité. Agée de 44 ans, Maggie De Block a refusé que son poids, lié à une maladie génétique qu’elle avait rapidement évoquée en 2011 sans la nommer, représente une entrave dans sa vie. Pourtant, c’est sans doute parce qu’elle avait dû fréquenter régulièrement les hôpitaux durant son enfance et son adolescence, que cette native de Merchtem, située dans la région flamande, choisit d’abord d’épouser la médecine. Elle exerça ainsi pendant près de quinze ans cette profession avant de s’en éloigner peu à peu pour s’intéresser la politique. Il s’agit d’une passion familiale : son frère est maire de la ville où ils sont nés. Le succès ne tarde pas : en 1999 elle est élue député fédérale de la circonscription de Bruxelles Hal-Vilvorde. Sa bonne connaissance des dossiers et le dynamisme de cette mère de deux enfants lui valent d’être repérée par Elio di Rupo, qui lors de la formation de son gouvernement en 2011 la nomme secrétaire d’Etat, à l’Asile et à l’Immigration.
Pas d’expulsion pour les mauvais plaisantins
A l’époque déjà, la silhouette pour le moins massive du nouveau secrétaire n’était pas passée inaperçu. Les plaisantins belges n’avaient pas résisté à l’idée de multiplier les calembours. ? C’est ainsi qu’elle avait été surnommée « The Block », tandis qu’un comique flamand Raf Coppens avait remarqué qu’en la voyant, les demandeurs d’asile ne pourraient s’empêcher de constater : « C’est sûr, il y a assez à manger en Belgique ». Maggie de Block, solide et pleine d’humour, ne s’était pas offusquée de ces sarcasmes. « C'est comme ça depuis 49 ans. Que puis-je y faire, à part éviter de porter des mini-jupes et des tops rayés ? Je suis qui je suis. Surtout, pas une seule femme n'accède au gouvernement parce qu'elle a de belles jambes. C'est parce qu'elle travaille dur » avait-elle répondu aux amuseurs. De même peu après sa nomination, quand un journaliste lui demandait sans finesse : « Face à un domaine comme l’Asile, pensez-vous pouvoir faire le poids ? », elle avait répondu du tac ou tac : « A ce niveau, là, je suis sûrement la mieux placée ». D’ailleurs, quelques semaines après son arrivée au pouvoir, les plaisanteries peu fines ont cédé la place à une analyse plus politique de son action. Maggie de Block s’est en effet fait remarquée dans sa mission de secrétaire d’état à l’Immigration et à l’Asile : beaucoup lui ont reproché son manque d’humanité, quand d’autres ont loué sa fermeté.
Réflexion sur la notion d’exemple
La persévérance de Maggie de Block durant ces mois passés au secrétariat d’Etat à l’Asile et à l’Immigration en a fait un personnage phare de l’Open VLD, tandis que sa détermination, sa force personnelle et sans doute son parcours atypique lui valent de compter parmi les personnalités politiques préférées des Belges. Aussi, lors du récent retour des libéraux au pouvoir, Maggie de Block a également fait sa réapparition. Son rêve a été réalisé : elle a été nommée ministre de la Santé. Cette nomination a une nouvelle fois suscité les commentaires. Cependant, ce ne sont cette fois pas uniquement les plaisantins et les amuseurs publics qui ont raillé la silhouette du ministre, mais un journaliste en vue Tom Van de Weghe qui s’est interrogé sur Twitter : « La Belgique a une ministre de la santé publique obèse. Cette critique sera jugée inopportune, mais qu’en est-il de sa crédibilité ». Bien sûr, une telle remarque a provoqué une volée de réactions négatives : les défenseurs de Maggie de Block ont été nombreux. Ils ont notamment rejeté cette stigmatisation et appelé à juger le ministre sur ses compétences et non sur son physique. Des voix beaucoup moins audibles ont cependant remarqué qu’un ministre se devait de faire figure d’exemple et qu’il n’est pas tout à fait sûr que Maggie de Block puisse jouer ce rôle dans toutes les missions qui lui sont confiées. D’autres enfin ont considéré que ce poids pourrait au contraire servir d’atout quand sera évoquée la lutte contre l’obésité, Maggie de Block pouvant faire part de sa propre expérience et pourquoi pas participer en direct comme certains aux Etats-Unis à un programme d’amaigrissement.
Les hommes politiques ne doivent pas être le miroir de la population
Il est peu probable que l’intéressée réponde à cette invitation plutôt douteuse, surtout qu’elle a souligné par le passé qu’elle était déjà soumise à un régime strict, lié à sa pathologie. Cependant, cette polémique belge n’est qu’un faible reflet de ce qui a cours aux Etats-Unis : là bas, le physique des hommes politiques et des candidats est commenté ouvertement. Et il est clair que l’idée d’un président des Etats-Unis obèse est fortement repoussée… dans le pays où cette pathologie est pourtant la plus répandue dans le monde occidental.
Aurélie Haroche