
Admis en service de réanimation parfois contre leur souhait de finir leurs jours entourés des leurs, les personnes très âgées y sont exposées à un taux de mortalité, des durées de séjours, et un état de dépendance plus élevés en cas de survie. Toutefois, certains d’entre eux ont une évolution favorable. Lequel d’entre nous ne sait-il jamais demandé s’il était bien raisonnable de proposer ou d’accepter un « grand vieillard » en réanimation ? Et le ferions-nous pour nos proches ?
Des auteurs canadiens ont développé une échelle de risque prédictive de la mortalité hospitalière afin d’aider à la prise de décision en fin de vie chez 1 033 patients âgés de plus de 80 ans admis en réanimation pour raison uniquement médicale. Il s’agit d’une étude de cohorte prospective multicentrique menée dans 22 services de réanimation canadiens, de septembre 2009 à février 2013, dans le cadre plus large de l’étude REALISTIC-80 (Realities, Expectations and Attitudes to Life Support Technologies in Intensive Care for Octogenarians). La survie n’a été considérée que si elle était d’une durée supérieure à 1 an. Il a été procédé à une analyse univariée entre certains paramètres prédictifs du score APACHE et le principal critère de jugement (mortalité hospitalière), suivie d’une régression logistique multivariée afin de mieux définir l’outil de prédiction.
Age moyen 84,6 ± 3,5 ans ; 55 % d’hommes ; score moyen APACHE II 23,1 ± 7,9 ; score SOFA) 5,3 ± 3,4 ; durée moyenne de séjour (DMS) en réanimation 4,1 jours (écart interquartile, 6,2) ; DMS à l’hôpital 16,2 (écart interquartile, 25,0) jours ; mortalité en réanimation 27 % ; mortalité hospitalière toutes causes confondues 41,5 %. Parmi les survivants, 45% ont regagné leur domicile ; 22,5 % ont été admis en unité de long séjour et 24,7 % transférés en court séjour.
Une boule de cristal simple basée sur âge, créatininémie, score de Glasgow, pH
Parmi 7 variables prédictives recueillies le jour de l’admission en réanimation, les 4 facteurs prédictifs de la mortalité hospitalière (exprimés en odds ratio [OR] de mortalité hospitalière avec intervalle de confiance à 95 %) sont : l’âge : de 85 à 90 ans : 1,63 [1,04-2,56], après 90 ans : 2,64 [1,27-5,48] ; la créatininémie : de 120 à 300 μmol/L : 1,57 [1,01-2,44]), plus de 300 μmol/L : 5,29 [2,43-11,51] ; le score de Glasgow à 13-14 : 2,09 [1,09-3,98], à 8-12 : 2,31 [1,34-3,97], à 4-7 : 5,75 [3,02-10,95], à 3 : 8,97 [3,70-21,74]) ; le pH artériel < 7,15 : 2,44 [1,07-5,60].
Ces 4 facteurs constituent une échelle préliminaire de risque de mortalité des sujets très âgés en état critique médical dont le score maximal est 13. Le risque de mortalité hospitalière varie de 18,5 % pour un score de 0 à 96,8 % pour un score de 12. Pour des valeurs comprises entre 4 et 7, le risque de mortalité hospitalière est compris entre 53,7 % et 79,8 %.
Une échelle rendue trop optimiste
Le péché originel et difficilement excusable de cette étude est
la perte de suivi des 24,7 % de patients transférés en court séjour
et considérés comme survivants, ce qui rend optimiste l’échelle
prédictive, car les considérer comme décédés reviendrait à faire
grimper la mortalité hospitalière de 41,5 % à 69,5 % !
Néanmoins, cet outil simple et non coûteux, mérite d’être évalué
ainsi que son impact sur la prise de décision clinique en matière
de limitation et/ou arrêt de(s) thérapeutique(s) active(s). Il
pourrait permettre d’améliorer l’information objective de
l’entourage sur ce qu’il est vraiment raisonnable d’attendre d’une
hospitalisation en réanimation à cet extrême de la vie.
Dr Bernard-Alex Gaüzère