Le numéro du JIM précédant le premier tour des élections présidentielles de 1995 avec une interview du candidat
Paris, le jeudi 26 septembre 2019 - C’est une femme qui
pleure. C’est une image connue dans le monde entier. C’est un
bouquet de fleurs.
La légende veut qu’il ait lancé en réponse à Valéry Giscard
d’Estaing lui annonçant que son gouvernement devrait porter une loi
dépénalisant l’avortement que pour lui il s’agissait « d’une
affaire de bonnes femmes ». Pourtant, quand son ministre de la
Santé est violemment interpellé à l’heure de défendre la loi
autorisant l’IVG il lui fait livrer un bouquet de fleurs. Certains
verront dans cette phrase lapidaire et ces quelques roses toute
l’ambiguïté de Jacques Chirac.
De longs articles ont été écrits sur la complexité politique
de l’ancien Président de la République qui vient de mourir à l’âge
de 86 ans, sur les paradoxes de celui qui défendit régulièrement
des positions en faveur d’une politique sociale généreuse tout en
se montrant proche de partenaires très libéraux, de l’ami du monde
qui pouvait pourtant ouvrir son gouvernement à des partisans de
réglementations hostiles à l’immigration. Quelles qu’aient été les
errances de ses convictions, quelles qu’aient été ses nécessaires
compositions entre ses idéaux et ses ambitions, Jacques Chirac a
su, à plusieurs reprises, incarner, des « volontés
politiques ». Il a su créer des impulsions, des effets, des
mouvements. Un talent qui s’est manifesté notamment en matière de
santé.
Celui qui fumait
C’est surtout lors de son second mandat que Jacques Chirac s’est
pleinement engagé pour de multiples causes de santé publique. Son
plan « Cancer » a ainsi été régulièrement cité comme un
exemple d’élan positif et dont certains résultats ont été
tangibles. C’est notamment sous l’effet de ce plan qu’une lutte
active contre le tabac avait été menée et avait rencontré un succès
certain. Plus spécifiquement, le plan cancer a permis une
structuration de l’offre de soins et une harmonisation des
approches. Si le bilan n’est pas parfait, notamment en ce qui
concerne la réduction des inégalités, le programme demeure comme un
exemple très positif de politique de santé.
Celui qui aimait la vitesse
L’engagement de Jacques Chirac lors de son second mandat a
également concerné la sécurité routière. Grâce à la détermination
qu’il a affichée, en incarnant une véritable volonté politique, une
réelle dynamique a contribué à la réduction d’un fléau qui semblait
en France une fatalité, tant et si bien que certains recherchaient
parfois pour faire progresser certaines causes "un effet
Chirac" . Avec des résultats moins spectaculaires, le Président de
la République a également tenté d’imposer une nouvelle appréhension
du handicap en France. C’est sous son impulsion qu’a été adoptée la
loi de 2005 prenant des engagements solides en matière
d’accessibilité et d’accueil des enfants à l’école. Si sur ce
dernier point, des améliorations certaines sont observées, le bilan
est cependant plus mitigé sur d’autres terrains.
Celui qui aimait le monde
Enfin, l’engagement de Jacques Chirac en matière de Santé a
souvent coïncidé avec ses aspirations internationalistes et
notamment avec son amour pour l’Afrique. Il a ainsi toujours mis un
point d’honneur à faire de la France un partenaire d’exception du
Fonds mondial contre le Sida tant est si bien qu’à l’heure de
l’arrivée de son successeur certains avaient regretté la fin de
"l’ère Chirac". Pendant les premières années de sa retraite, à
travers la Fondation Chirac, l’ancien maire de Paris poursuivit
cette voie, en se concentrant notamment sur la lutte contre les
faux médicaments dans les pays en voie de développement ou en
saluant le travail du docteur Denis Mukwege pour accompagner les
femmes victimes de viol de guerre.
Si l’heure n’est pas à la critique et aux ressentiments (et cet
article en est un exemple parmi d’autres), certains bien sûr
émettront quelques réserves sur ce passage en revue des engagements
de Jacques Chirac en matière de santé. D’aucuns pourraient se
souvenir qu’il n’a pas évité sous sa présidence l’adoption de lois
entraînant des transformations du système de santé que beaucoup ont
regrettées, tandis que de nombreuses associations ont dénoncé les
difficultés dont les personnes immigrées malades avaient souffert
en raison de certaines dispositions prises par son gouvernement.
D’autres considéreront que son inscription du principe de
précaution dans la Constitution n’aura pas été nécessairement
l’idée la plus inspirante, compte tenu de la sacralisation d’un
principe qui aujourd’hui est parfois dévoyé.
Surpasseront ces réserves quelques discours sur l’importance de
lutter contre les inégalités Nord/Sud en matière d’accès aux
trithérapies ou ses déclarations faisant de la lutte contre
l’insécurité routière la première des priorités. Et l’homme qui
malgré des "histoires de bonnes femmes" adresse un bouquet de
fleurs à celle qui pleure.
L'adoption du principe de précaution en sécurité alimentaire, ou plus exactement en salubrité comme on dit au Canada, a pour origine la crise de la vache folle. Alors que le tandem Chirac-Jospin avait fait l'essentiel en interdisant l'utilisation des farines animales (non sécurisées alors), on a cru bon, devant la panique générale causée par la découverte de cas humains (ESBv), de mettre tous les atouts sur la table pour empêcher d'autres transmissions. Le Président de l'Académie de Médecine en 1999, Charles Pilet, qui avait été Président de l'Académie vétérinaire une dizaine d'années auparavant, m'avait dit lors de la pause d'une journée organisée pour ce type de maladie à l'Assemblée Nationale et pour un projet de fusion de trois Académies (qui est resté dans l'oeuf): Nous autres, médecins, nous appliquons le principe de précaution depuis toujours !
JPHM, Biologiste en retraite
Un très bel adversaire...
Le 27 septembre 2019
J'ai adoré combattre ses politiques. Respect Jacques.