
Paris, le samedi 9 mai 2020 – En adoptant en 1946 une loi
interdisant la pratique de l’excision, le Soudan faisait figure de
pays pionnier en Afrique : il était en effet le premier à légiférer
sur ce sujet sensible. Cependant, à l’instar de ce qui a pu être
observé en Egypte où l’excision est officiellement prohibée, cette
législation n’a pas empêché la pratique de perdurer. Ainsi, selon
l’Unicef, 87,6 % des femmes de 15 à 49 ans seraient excisées au
Soudan aujourd’hui.
Une pression implacable sur le pouvoir
De la loi à son application
Le renversement du gouvernement d’Omar El Béchir, puis du
pouvoir militaire a fait naître une nouvelle ère au Soudan,
symbolisée par la figure d’Abdallah Hamdok. Ce dernier a annulé
rapidement après son arrivée à la tête du pays la loi qui
autorisait l’arrestation des femmes pour leur participation à la
vie sociale ou pour le port de tenues jugées inappropriées. Ce 22
avril, une étape supplémentaire a été franchie avec l’adoption par
le Conseil souverain (où siègent majoritairement des militaires) et
le Conseil des ministres (dirigé par des civils) d’une modification
de l’article 114 du Code pénal afin que l’excision soit considérée
comme un crime. Désormais cette pratique est passible de trois ans
de prison et d’une amende, des sanctions concrètes qui laissent
espérer une application plus stricte de cette loi. Surtout,
l’évolution des mentalités au sein du pays, comme en témoignent les
résultats de sondages marquant désormais un rejet majoritaire de
l’excision (ce qui n’a longtemps pas été le cas), suggèrent que des
évolutions peuvent être raisonnablement envisagées. Beaucoup
remarquent que l’existence de cette loi offrira un argument aux
familles tiraillées entre leur peur de heurter les tenants de la
tradition et leur hostilité vis-à-vis de l’excision.
Aurélie Haroche