Covid-19 : un puissant révélateur de la toxicité potentielle de l’ivermectine

L’ivermectine est un antiparasitaire utilisable chez l’homme dans le traitement de la gale, mais aussi de parasitoses telles l'anguillulose gastro-intestinale et la filariose lymphatique. Ce médicament est par ailleurs largement utilisé en médecine vétérinaire. La lotion destinée au traitement de la gale et de la pédiculose n’est autorisée que dans certains pays dont les États-Unis.

La pandémie de Covid-19 l’a propulsé sur le devant de la scène, à l’instar d’autres médicaments tels l’hydroxychloroquine et l’azithromycine. Il s’avère qu’in vitro, l’ivermectine fait preuve d’une activité antivirale qui inclut le SARS-CoV-2 ce qui a aboutit à sa large distribution de par le monde sous diverses formes galéniques, alors qu’aucune étude clinique n’y incitait.

Des prescriptions multipliées par 24

Le nombre de prescriptions a été multiplié par 24 à l’occasion de la pandémie, sa consommation réelle étant en réalité sous-estimée car le médicament est en vente libre aux États-Unis. De fait, les autoprescriptions à des fins préventives ou  curatives ont explosé aux États-Unis, au point que les centres antipoison ont été fortement sollicités. En témoigne l’expérience du centre antipoison de l’état d’Oregon qui répond également aux appels provenant de l’Alaska et de l’ile de Guam.

Le nombre moyen mensuel d’appels concernant l’ivermectine était de 0,25 en 2020. Entre janvier et juillet 2021, il est passé à 0,86 pour culminer à 21 pour le seul mois d’août de cette année. Les 21 victimes du médicament (dont 11 de sexe masculin) étaient, pour la plupart,  âgés de plus de 60 ans (âge médian, 64 ans ; extrêmes, 20 à 81). Dans 11 cas, l’ivermectine a été utilisée à titre préventif et dans les dix autres cas pour traiter une forme symptomatique de la Covid-19.

Une large place pour les médicaments vétérinaires

Dans trois cas, la prescription venait d’un médecin ou d’un vétérinaire. Dix-sept patients avaient exclusivement eu recours au médicament vétérinaire et chez le patient restant, la source n’a pu être précisée.

Les symptômes qui ont motivé l’appel auprès du centre antipoison sont le plus souvent survenus dans les deux heures qui ont suivi la prise d’une dose conséquente. Cependant, dans six cas, ils se sont installés de manière progressive après plusieurs jours ou semaines d’exposition répétée au médicament vétérinaire à des doses comprises entre 6,8 et 125 mg pour ce qui est de la pâte orale à 1,87 %, versus 20 à 50 mg quant à la solution à 1 %. Ceux qui ont eu recours au médicament destiné à l’homme ont pris des comprimés régulièrement à raison de 42 mg/semaine sur le long cours.

Ces traitements fantaisistes ont conduit six des 21 impétrants à l’hôpital et, dans quatre cas, à un séjour dans une unité de soins intensifs. Aucun décès n’a cependant été déploré. Les symptômes les plus fréquents ont été les suivants : troubles gastro-intestinaux sévères (n=4), syndrome confusionnel (n=3), ataxie et épuisement (n=2), hypotension artérielle (n=2) et crises d’épilepsie (n=1).

L’usage anarchique et immodéré d’un médicament en général dénué d’effets indésirables sérieux, tel l’ivermectine, révèle sa toxicité potentielle, ce qui devrait décourager définitivement ses adeptes qui sont encore nombreux de par le monde. D’autant que son efficacité dans le traitement préventif ou curatif de la Covid-19 n’est ni plus ni moins que nulle, jusqu’à preuve du contraire.

Dr Peter Stratford

Référence
Temple C et coll. Toxic Effects from Ivermectin Use Associated with Prevention and Treatment of Covid-19 NEJM 2021 (20 octobre) : publication avancée en ligne.DOI: 10.1056/NEJMc2114907.

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Vos réactions (14)

  • Question de dose

    Le 02 novembre 2021

    Ce n'est pas parce que l'on ne sait pas quoi faire qu'il faut faire n'importe quoi.
    De plus, un médicament inoffensif en petite dose unique ne l'est plus forcément quand la dose et la durée sont augmentées.

    Dr Bernard Maroy

  • Pas de problème à doses humaines

    Le 02 novembre 2021

    Il est sûr que si on utilise l'Ivermectine aux doses vétérinaires il y a des risques; à doses humaines (voir le Vidal...) pour traiter la gale il n'y a pas de problème...

    Dr Daniel Muller

  • Bravo Mr Stratford ! Quel article pertinent

    Le 02 novembre 2021

    Vous n'êtes pas sans savoir que le paracétamol, largement et officiellement conseillé pendant cette épidémie, est un produit couramment mortel en surdosage et sa marge entre curatif et toxique est assez faible (beaucoup plus que l'ivermectine). Pourquoi ne faite vous pas un article d'une si grande objectivité pour ce produit que ce brillant article sur l'ivermectine.
    Quand "l'information" n'est que de la diffamation déguisée.

    N'avez vous jamais songé que ces milliers de confrères qui on fait (en respectant les doses et sans usage de produit vétérinaire) un large usage des ces produits que vous dénigrez, avaient peut-être autant de compétence et conscience professionnelle que vous même. Et je vous signale que le paracétamol aussi est d'usage vétérinaire?

    Un coup contre l'ivermectine.
    Un coup pour le sotrovimab.
    Il est vrai que les précédentes tentatives avec les anticorps monoclonaux ont été un succès retentissant contre le Sars cov 2.
    Il est vrai qu'économiquement le second est bien plus intéressant que le premier.
    Laissons l'ivermectine et autres produit ringard aux pays pauvres. Comme les vaccins Astrazéneca et consort!
    Et continuons d'essuyer les plâtre pour notre chère (trés chère) industrie pharmaceutique si dévouée.

    Dr Alain Garenne

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