Charles Biétry, jusqu’au dernier round

Carnac, le samedi 15 avril 2023 – Journaliste sportif de renom depuis plus de 50 ans, Charles Bétry évoque son combat contre la maladie de Charcot et son intention d’avoir recours au suicide assisté.

Il est plutôt rare que le JIM se fasse l’écho d’un article paru dans l’Equipe. Mais samedi dernier, au milieu des énièmes articles consacrés à la situation du Paris Saint-Germain ou au championnat de rugby, le quotidien sportif de référence a évoqué un sujet d’actualité médicale brulante : celui de la fin de vie, alors qu’Emmanuel Macron a annoncé le 3 avril prochain sa volonté de présenter d’ici la fin de l’été un projet de loi légalisant l’aide active à mourir.

Les journalistes sportifs ont ainsi donné la parole à l’une des légendes de la profession : Charles Biétry, 79 ans, qui fut tour à tour directeur des sports à l’AFP, à Canal+ et à France Télévisions, directeur de la chaine Bein Sport et même président éphémère du Paris Saint-Germain en 1998. C’est notamment lui qui fut le premier, lors de l’attentat de Munich de 1972, à révéler en exclusivité la mort des otages israéliens.

Mais ce n’est pas pour évoquer les souvenirs d’une carrière de plus de 50 ans que Charles Biétry a accordé un long entretien à l’Equipe, « le journal qui a bercé sa vie », mais plutôt pour évoquer son combat contre la maladie de Charcot ou sclérose latérale amyotrophique (SLA), une affection qui le rongerait depuis cinq ans, même si le diagnostic n’a été fait qu’il y un an.

Charles Biétry prêt pour son ultime voyage

Dans son malheur, l’ancien journaliste a de la chance : la progression de la maladie, qui peut parfois tuer en quelques mois, est relativement lente chez lui, bien qu’il doive désormais utiliser des béquilles pour se déplacer et qu’il commence à avoir des problèmes d’élocution. Une évolution lente qu’il attribue à son activité physique : le rennais continue de faire du sport tous les jours, « sauf le dimanche parce qu’il y a beaucoup de foot à la télé ». « J’ai quatre séances de kiné, quatre de vélo d’appartement, une demi-heure à chaque fois et comme j’ai toujours aimé la compétition, chaque jour je m’attache à battre le record de la veille et je le bats tous le temps », explique-t-il, avant de raconter avec amusement ses échanges avec les médecins, qui lui demandent de se reposer. « Je leur ai dit que je voulais m’attaquer au record du 100 m de marche en piscine, je me suis encore fait engueuler ».

Mais après avoir évoqué son rapport à la maladie, le journaliste en vient au sujet tabou : celui du suicide. Dans les pays qui autorisent l’aide active à mourir, une grande part des demandes de suicide assisté sont le fait de patients atteints de SLA. Charles Biétry a fait le même choix. « Je me suis inscrit en Suisse pour le suicide assisté, tous les papiers sont signés, tout est prêt. Je ne veux pas être branché sur une machine pour respirer alors qu’il n’y a plus rien, plus d’avenir, je ne veux pas souffrir et surtout faire souffrir ma famille » explique le colosse breton, qui ne cache pas (et c’est bien naturel) une certaine appréhension face à cet ultime voyage. « Pour le coup, c’est monter à l’échafaud et arriver là-bas, tu dois prendre toi-même le dernier cachet. Ce geste-là, c’est facile de dire « je vais le faire » quand je suis au bord de la mer à Carnac mais quand on te tend le cachet en te disant que deux minutes après tu seras mort, ce n’est pas si simple ».

Battre le record de survie

Charles Biétry se réjouit d’ailleurs de l’annonce d’une probable légalisation de l’aide active à mourir en France dans les prochains mois. « Je suis content, cela donne un espace de liberté, à partir du moment où c’est encadré. Laissez-nous vivre mais laissez-nous mourir aussi. Je verrais peut-être cette loi naître, je préfèrerais mourir à l’hôpital de Vannes ou chez moi à Carnac plutôt que dans l’illégalité en Suisse ».

Paradoxalement, c’est une très grande volonté de vivre et de combattre la maladie qui se dégage de cet entretien. « C’est presque un cliché de dire qu’il faut combattre, ne pas abandonner. Perdre aux points OK, mais il faut tout faire pour ne pas être KO dès le deuxième round » commente cet amoureux de la boxe. Il s’est d’ailleurs fixé un objectif : celui de battre le record de survie avec la maladie de Charcot. « Je suis déjà dans le peloton de tête, largement. Stephen Hamwking a survécu plus de cinquante ans mais il ne parlait pas, il ne bougeait pas. Moi, je veux battre le record du mec encore fréquentable, avec lequel les copains peuvent venir passer une journée, je vais l’établir ce record » s’amuse-t-il.

Celui qui ne rate jamais un match de football ou un combat de boxe à la télévision dévore désormais la littérature scientifique, espérant que des chercheurs trouvent un traitement contre sa maladie. « Le plus grand centre de recherche à Boston teste plusieurs traitements. Je me dis : accroche-toi mec ! Ce serait trop con de mourir la veille de la mise sur le marché d’un médicament ».

Oui, ce serait définitivement trop con de perdre Charles Biétry.

Quentin Haroche

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