
Les études sur les conséquences médicales du réchauffement climatique s’accumulent, même si l’on déplore qu’elles ne proviennent encore que très peu des pays les plus atteints par la crise, notamment l'Afrique (1). G Konstantinoudis et coll. (2) présentent les résultats d’une étude épidémiologique transversale réalisée en Angleterre de 2007 à 2018, selon la méthode des « cas croisés ». Ce concept épidémiologique est de plus en plus utilisé pour étudier les conséquences de la qualité de l'air sur des affections respiratoires comme l'asthme et la BPCO. Nous avons présenté récemment (voir lien ci-dessous) une analyse de ce type, qui étudie les effets d'un facteur de risque sur un événement pathologique chez des sujets ayant déjà subi l’événement et qui sont alors leur propre témoin à un moment différent (contrairement aux études cas-témoin où l’on apparie des personnes différentes au même moment). Ce type d’étude répond à la question « ce résultat est-il provoqué par une exposition récente ? » et est bien adapté à l’étude de la survenue d’événements aigus dans un contexte d’exposition prolongée.
Ici, les conditions climatiques le jour de la survenue d’une exacerbation de BPCO (EABPCO) étaient comparées à celles de jours aux mêmes semaines et mois que l'événement, pour éliminer les facteurs confondants liés au sexe ou aux comorbidités. Ainsi, les températures minimales et maximales observées en Angleterre aux mois de juin, juillet et août entre 2007 et 2018 ont été comparées le jour de survenue de l’EABPCO à celles de 2 jours contrôles comme défini plus haut. D'autre part l'effet de la pollution atmosphérique a été étudié par mesure des concentrations dans l’air les mêmes jours d’ozone et de particules fines (PM2,5). Au total, 320 411 EABPCO sont survenues pendant la période. La température moyenne en Angleterre a été de 19,2°C en 2007 et 22,2°C en 2018. Pour chaque augmentation de 1 degré au-dessus de la valeur de 23,2°C une augmentation médiane du risque d'hospitalisation pour EABPCO a été observée au taux de 1,47 %. Ici l'intervalle de confiance à 95% devient un intervalle de crédibilité (IC) compte tenu de la méthode épidémiologique choisie : l’IC était ici 1,19 - 1,73 % (ce type d’étude ne fournit pas de niveau de significativité défini par un p).
Plus la température que la pollution
Le taux d'hospitalisation liée à l'augmentation de la chaleur (%, IC) est pour l’intervalle de temps 2007-2018 de 7,8 % (6,7 - 8,8 %). Sur le plan géographique le taux dépassait 8 % dans les régions suivantes : Midlands de l’Est (ville principale Leicester), Est de l'Angleterre (ville principale Cambridge), Londres et le sud-est de l’Angleterre (ville principale Southampton) ; la région la plus épargnée (taux < 5 %) était le sud-ouest de l'Angleterre (ville principale Bristol). L'âge (plus de 75 ans) et le sexe (féminin) jouaient un rôle assez faible dans la modification du risque. Contrairement à l'étude rapportée ici il y a quelques semaines (3), la pollution atmosphérique (définie par la concentration de l’air en et ozone et PM2,5) avait plutôt tendance à diminuer le risque induit par l'augmentation de la température ambiante.
Au total voici une nouvelle étude qui confirme l'influence négative du changement climatique sur la santé respiratoire. On notera qu'ici c'est plus la chaleur que la pollution atmosphérique qui semble en cause. De tels résultats qui pointent les effets nocifs sur la santé du réchauffement climatique sont encore rares, proviennent des pays du Nord et peuvent diverger, ce qui nécessite des travaux supplémentaires de la communauté scientifique.
Dr Bertrand Herer