
Paris, le vendredi 28 juillet 2023 – Les diététiciens s’émeuvent d’un récent partenariat entre la Ligue contre l’obésité et un groupe de naturopathes.
La Ligue contre l’obésité aurait-elle cédé aux sirènes des médecines alternatives ? On peut le craindre à la lecture d’une lettre ouverte du Collectif des diététiciens nutritionnistes, adressé le 20 juillet dernier à la Ligue, en principe en première ligne dans le combat contre l’obésité et le surpoids. Dans cette missive, le collectif de diététiciens s’émeut qu’un partenariat soit actuellement en projet entre la Ligue contre l’obésité et le Syndicat des professionnels de la naturopathie (SNP). « Cela envoie un message dangereux pour la prise en charge de l’obésité et promeut l’activité illégale du métier de diététicien » s’inquiètent les nutritionnistes.
Jeûne et crudivorisme
Comme le rappelle le collectif, « la naturopathie constitue une pratique non-basée sur des preuves scientifiques qui n’est pas reconnue comme une profession de santé » mais comme une « pratique de soins non conventionnels ». La naturopathie est en effet une pseudo-science qui prétend pouvoir équilibrer le fonctionnement de l’organisme en utilisant des méthodes totalement naturelles. En ce qu’elle détourne ses adeptes de la médecine conventionnelle basée sur la science, la naturopathie peut être potentiellement dangereuse et certains naturopathes sont pointés du doigt pour leurs dérives sectaires et même dans certains cas poursuivis pénalement.
Malheureusement, la naturopathie et les médecines alternatives ont ces dernières années le vent en poupe, portées par les difficultés du système de soin et la perte de confiance de certains patients dans la médecine conventionnelle, notamment depuis l’épidémie de Covid-19. L’influence de la naturopathie est notamment grandissante dans le champ de la nutrition, les naturopathes défendant en particulier les vertus du jeûne et du crudivorisme, un régime alimentaire consistant à se nourrir exclusivement d’aliments crus, malgré l’absence totale de preuves scientifiques sur les prétendus bienfaits de ce régime. « Nous constatons au quotidien dans nos pratiques que les naturopathes donnent des conseils nutritionnels et sont donc quasi en permanence en situation d’exercice illégal du métier de diététicien, une infraction pénale sanctionnée d’un an d’emprisonnement et 15 000 euros d’amende » rappelle le collectif de nutritionnistes.
Un message inquiétant dans la lutte contre les dérives sectaires
A ce titre, la signature d’un partenariat entre un syndicat de naturopathes et une association agréée est un signe particulièrement inquiétant, en ce qu’elle semble en quelque sorte valider une « pratique non conventionnelle dangereuse » affirme le collectif des diététiciens. Ces derniers ne veulent pas croire que la Ligue contre l’obésité puisse vouloir « détériorer la prise en charge des patients » et pense que le motif de ce partenariat est plutôt financier, le SNP ayant promis de rémunérer la Ligue. « Nous comprenons vos difficultés à trouver des fonds mais cela ne doit pas se faire au détriment des patients ou de la profession des diététiciens » conclut le collectif de nutritionnistes.
Ces derniers mois, les autorités politiques et judiciaires ont renforcé leur lutte contre les dérives de la naturopathie. La loi sur les influenceurs adoptée début juin a ainsi interdit à ces derniers de prodiguer des conseils relatifs à la santé et notamment de prôner « l’abstention thérapeutique ». Le ministère de la Justice travaille pour sa part sur un délit « d’incitation à l’arrêt d’un traitement pour maladie grave ». Enfin, sur le plan judiciaire, le vidéaste Thierry Casasnovas, gourou de la naturopathie et chantre du crudivorisme, a été récemment mis en examen pour abus de faiblesse et exercice illégal de la médecine.
Quentin Haroche