
Pour le bien public… et celui de Google
Mis en avant comme la manifestation de la volonté de Google
d’œuvrer pour l’amélioration de la qualité de vie des populations
et des malades en particulier, ces programmes suscitent cependant
également une certaine circonspection. En effet, les scandales
concernant la protection des données se sont multipliés ces
dernières années, notamment aux États-Unis et beaucoup redoutent
que la mainmise de Google sur des données aussi sensibles n’ouvre
la voie à des dérives, notamment commerciales. Dans ce contexte, la
révélation hier par le Wall Street Journal de l’accord passé entre
Google et Ascension n’a pu que raviver les controverses et les
préoccupations.
Projet Nightingale
Ascension est un groupe privé (catholique) et associatif qui
gère deux mille six cent établissements de soins dont cent
cinquante hôpitaux et cinquante établissements pour personnes
âgées. Si Google a déjà noué des partenariats avec d’autres groupes
privés, jamais il n’avait pu approcher une entité aussi importante.
Le contrat noué entre Ascension et Google, baptisé Nightingale (en
référence à d’illustres cohortes épidémiologiques et bien sûr à la
célèbre infirmière britannique à l'image encore très positive), que
ces derniers n’ont pas démenti (et qui était connu des analystes
financiers) prévoit le transfert des dossiers médicaux complets
vers Google, afin de développer des programmes informatiques
d’orientation vers les examens complémentaires et les traitements
les mieux adaptés et des logiciels d’aide au parcours de
soins.
Processus légal
Outre l’ampleur des données très confidentielles qui sont
ainsi transmises, c’est l’absence de demande de consentement des
patients qui concentre aujourd’hui l’attention de l’opinion
américaine. Pourtant, l’absence d’information des intéressés ne
relève probablement pas d’un processus illégal (aux États-Unis),
puisque comme l’ont rappelé Google et Ascension, le Health
Insurance Portability and Accountability Act permet depuis 1996
le partage des données par les acteurs privés du système de santé,
tant que l’objectif est de l’aider à « assurer ses missions
».
Or, pour Google et Ascension leur partenariat répond
parfaitement à cette logique.
Cependant, cette loi a été adoptée à une époque où l’accumulation de données numériques n’en était qu’à ses balbutiements et il n’est pas impossible que la multiplication des initiatives telles celle qui a été révélée hier incite les législateurs américains (et au-delà du monde entier) à plus de vigilance, ne serait-ce que sous la pression des patients et plus généralement des citoyens.
Aurélie Haroche