À force de revendiquer un statut « politiquement correct », la démarche scientifique risque-t-elle de méconnaître des éléments constitutifs de la réalité à cerner ? L’American Journal of Psychiatry donne un exemple édifiant (« paradigmatique », précise l’auteur) à propos de la prise en compte du retentissement des particularités raciales dans la reconnaissance faciale chez les schizophrènes.
Plus précisément, des études antérieures indiquaient que les patients ‘‘Afro-Américains’’ (autrement dit des Noirs, dans le jargon « politiquement correct ») auraient davantage de difficultés pour identifier et se remémorer les émotions chez autrui, comparativement à des sujets ‘‘de type Caucasien’’ avec la même pathologie. Existerait-il donc une caractéristique raciale dans cette affection psychiatrique ?
En réalité, on vient de montrer que ces travaux présentaient un biais méthodologique (a major procedural flaw) puisque les tests utilisés alors ne comprenaient que des portraits de type Caucasien. Or en proposant des tests reflétant au contraire la variabilité réelle des visages (type Caucasien et type Afro-Américain), on n’observe plus aucune différence significative entre Noirs et Blancs, en matière de reconnaissance faciale et des émotions, que les sujets testés soient ou non schizophrènes. Et la mémoire (immédiate ou différée) des faces comme la discrimination des émotions chez autrui se révèlent plus efficaces quand elles portent sur des visages d’un type racial comparable au sien que sur un autre type.
Trop hâtive, la conclusion prêtant une problématique particulière aux Noirs (une performance médiocre pour le décryptage facial des émotions dans leur entourage) venait ainsi elle-même, paradoxalement, du mauvais décryptage d’un paramètre essentiel par les développeurs de ces tests : la diversité d’autrui ! L’auteur estime que ce phénomène pourrait même avoir des implications judiciaires : en matière de témoignage par exemple, il risque de compromettre l’objectivité du témoin, selon qu’il doive se rappeler et décrire un suspect du même type racial que lui ou non.
Dr Alain Cohen
