L’accident de Tchernobyl survenu le 26 avril 1986 est le plus grand désastre de l’histoire de l’énergie nucléaire civile. Une augmentation indiscutable de l’incidence des cancers thyroïdiens des enfants habitant les zones contaminées a été constatée, et ces cancers étaient caractérisés par un phénotype agressif. Les adultes soumis à la plus forte irradiation ont été les travailleurs de la centrale et les personnes impliquées dans la récupération des matériaux radio-actifs appelés « liquidateurs ».
Cet article présente les données de l’évaluation thyroïdienne de 99 travailleurs fortement contaminés lors de l’accident de Tchernobyl (âge moyen de 33 ans lors de l’accident et 92 hommes). Un bilan thyroïdien complet, une recherche d’anticorps anti-thyroïdiens, une échographie thyroïdienne ont été réalisés. Aucune de ces personnes n’avait bénéficié, lors de l’accident, d’un blocage thyroïdien par iodure de potassium, alors que cette procédure est recommandée par l’agence internationale de l’énergie atomique. L’exposition corps entier évaluée était très variable dans ce groupe puisqu’elle allait de 0,3 à 8,7 Gy. Une réaction aiguë aux radiations avait été constatée chez 57 de ces personnes en 1986.
Les résultats thyroïdiens sont étonnamment rassurants avec présence de nodules thyroïdiens non suspects échographiquement chez 10 patients (10 %), d’un goitre diffus chez 7 personnes (7 %), d’une positivité des anticorps anti-thyroïdiens dans 4 cas et d’une hypothyroïdie fruste dans un cas.
Ce groupe est issu d’une cohorte de 237 travailleurs hautement exposés dont 28 sont décédés en 1986 et 19 entre 1986 et 2000. Les critères de sélection et les biais éventuels ne sont pas analysés ici, ce qui limite les possibilités de généraliser les résultats obtenus. De même on peut regretter l’absence d’analyse cytologique des nodules diagnostiqués à l’échographie. Il est cependant intéressant de constater que chez ces 99 personnes hautement exposées aux radiations lors de l’accident de 1986, les répercussions thyroïdiennes sont moins importantes que ce qui était attendu. Ces données suggèrent une grande importance de l’âge dans la réponse thyroïdienne à une contamination radioactive. La poursuite de la surveillance est prévue.
Dr Laurence Du Pasquier