
Paris, le jeudi 28 octobre 2010 – Les chiffres sont loin d’être inquiétants. Si on les compare à ceux des années 70, ils sont même très encourageants. En 1975, le taux de mortalité infantile en France était de 15/1000, il était en 2008 de 3,6/1000. Même la très légère augmentation constatée l’année dernière par l’Insee, où le taux atteint les 3,7 doit être relativisée. « 3,6 ou 3,7, c’est pratiquement la même chose », observe Anne Tursz, pédiatre et directrice de recherche à l’INSERM. Cependant, cette dernière ajoute : « Ce qui serait très inquiétant, c’est si la tendance à la hausse se confirmait l’année prochaine ».
De la cinquième à la quatorzième place
De fait, au-delà de la satisfaction affichée par les démographes face à la spectaculaire diminution de la mortalité infantile en France au cours des trente dernières années, la tendance actuelle préoccupe, puisque depuis 2005, les chiffres stagnent. Or, dans les autres pays européens, la baisse se poursuit relayant la France à la 14ème place dans le classement des plus faibles taux de mortalité infantile, désormais devancée par la Grèce et l’Espagne, quand elle a longtemps occupé le cinquième rang.
La qualité du système de soins en question ?
Tandis que cette comparaison avec l’étranger renforce le trouble, l’observation d’autres données démographiques n’offre pas plus d’explication à la stagnation des taux français. En effet, il ne semble pas que les données mises en avant par l’INSEE cette semaine puissent être expliquées par une augmentation des naissances prématurées. Bien que l’épidémiologiste Monique Kaminski (INSERM) note que « les progrès d’obstétrique et néonatologie font que naissent vivants des enfants qui autrefois auraient été morts nés », Xavier Niel, chef de la division Enquêtes et études démographiques de l’Insee souligne : « D’après les chiffres du ministère de la Santé, le nombre de prématurés n’a pas augmenté ces dernières années ». Il ne semble qu’il n’y est guère plus de pistes à exploiter en ce qui concerne les données démographiques des mères (âge, origine sociale et ethnique). Ainsi, chez les femmes françaises, quelle que soit leur origine, une même stagnation de la mortalité infantile est constatée, tandis que « la mortalité globale avant un an augmente chez les enfants dont les mères sont cadres ou enseignantes » note encore Xavier Niel. Aussi, apparaît-il nécessaire de se pencher sur la performance des systèmes de soins. Pour certains spécialistes, il ne fait aucun doute que l’offre de soins néonataux connaît aujourd’hui une dégradation significative. Pour Anne Tursz le « système de prévention et de prise en charge du très jeune enfant (…) est en train de s’effondrer ».
Le cas particulier des DOM
Outre cette stagnation inexpliquée de la mortalité infantile, dont certains redoutent donc qu’elle ne soit le témoin d’une dégradation de la qualité des soins, les chiffres de l’INSEE révèlent que dans les départements d’outre-mer « le taux de mortalité infantile est deux fois et demi plus élevé qu’en métropole et il augmente depuis le début 2000 ». Ici, des spécificités territoriales expliquent cette situation, tel notamment un difficile accès aux soins de certaines femmes étrangères en particulier en Guyane.
Aurélie Haroche