Conduite aux États-Unis sur 125 enfants atteints de troubles déficitaires de l’attention avec hyperactivité (TDAH) et sur 123 sujets-contrôles, avec l’espoir d’identifier des éléments contribuant à définir précocement quels jeunes se révèleront les plus vulnérables psychiquement, une étude prospective a recherché si ces TDAH dans l’enfance constituent un risque accru de dépression et d’idées ou de tentatives de suicide à l’adolescence.
Les auteurs observent que c’est effectivement le cas : à 18 ans, le risque de dysthymie et de tentative de suicide se trouve majoré, par comparaison aux sujets-témoins. Cette prédisposition concerne plus particulièrement les filles, et des antécédents dépressifs chez la mère se révèlent un bon indicateur pour prévoir une sensibilité ultérieure des enfants avec TDAH à la dépression et aux comportements suicidaires.
Concernant à la fois les dysthymies isolées et récurrentes de l’adolescence, cette vulnérabilité augmentée pour la dépression se manifeste, cliniquement, environ 5 à 13 ans plus tard. Identifier les jeunes avec TDAH pouvant développer ensuite une symptomatologie dépressive est important car, expliquent les auteurs, cette démarche « prépare le terrain pour les essais de prévention précoce » en matière de troubles dépressifs et de comportements suicidaires. C’est d’ailleurs la première étude à s’intéresser si tôt (chez des enfants de 4 à 6 ans) à des facteurs susceptibles de prédire une pathologie dépressive émaillant leur évolution future, et associée à un contexte de TDAH.
Cette volonté de « repérage » précoce est toutefois à double tranchant : elle permet de progresser utilement sur la voie (controversée) d’une prophylaxie en psychiatrie, mais elle ne manquera pas de contrarier ceux qui contestent la tendance actuelle à « étiqueter » et à « psychiatriser » les individus, dès leur plus jeune âge. Avec les meilleures intentions, certes (dépistage, prévention). Mais, rappelle le dicton, l’enfer serait précisément pavé de bonnes intentions…
Dr Alain Cohen