Séropositifs : un taux d'emploi proche de celui de la population générale

Paris, le mercredi 26 octobre 2011 – Il existe autour de la question du Sida un discours si convenu qu’il concourt parfois à des appréciations décalées des faits. Ces derniers jours ont offert plusieurs illustrations de ce théorème. Lundi, une étude publiée dans le JAMA révélait les résultats d’une expérience menée en France dans 29 hôpitaux de mai 2009 à septembre 2010 relative à l’utilisation de tests de dépistage rapide du VIH aux urgences. Les auteurs révélaient que sur 12 754 tests effectués pendant cette période, dix-huit séropositivités avaient été découvertes. Or, dix-sept de ces dix-huit patients appartenaient à des groupes à risque (dix étaient des hétérosexuels originaires d’Afrique sub-saharienne et sept des homosexuels). Ces données semblent remettre en cause la pertinence d’un dépistage de masse et paraissent plutôt confirmer la nécessité de campagnes ciblées parmi les populations à risque. Néanmoins, l'AFP fait dire aux auteurs : « Dans la mesure où en France environ 25 % de la population ou 14 millions de personnes effectuent une visite au service des urgences chaque année, cet endroit est idéal pour procéder à un dépistage non ciblé des infections de VIH dans la population générale ». Tout se passe comme s’il apparaissait difficile d’admettre qu’en matière de dépistage et de prévention du Sida, l’attention semble devoir être prioritairement portée sur les groupes à risque. Néanmoins, si une partie de la presse a repris l'interprétation de l'AFP, d'autres ont bientôt souligné l'apparente inutilité d'un dépistage de masse, à l'instar des auteurs, qui ont notamment signé une tribuen sur le site VIH.org.

Tout irait mal en prison (en dépit des préservatifs et des programmes de dépistage)

Deuxième exemple : les résultats de l’étude publiée par le Bulletin épidémiologique hebdomadaire (BEH) concernant la prévention des risques infectieux en prison et notamment du VIH n’apportaient pas que des motifs d’insatisfaction. En effet, distribution des préservatifs, accès au dépistage ou encore traitements substitutifs aux opiacés apparaissent quasi généralisées dans les pénitenciers français. Pourtant, ces données (et nous avons-nous même quelque peu sacrifié à cette tendance générale hier) ont été l’occasion de commentaires désolés insistant plus certainement sur les manquements de la France que sur ses efforts.

Un taux d’emploi presque normal pour les personnes infectées après 1997

Aujourd’hui, une nouvelle démonstration de ce discours normé semble pouvoir être relevée. A l’occasion d’un colloque de l’Organisation internationale du travail (OIT) les résultats d’une récente enquête de l’association AIDES ont été dévoilés. Ils révèlent que la situation des séropositifs face à l’emploi s’est améliorée ces dernières années. En effet, aujourd’hui, 46 % des personnes infectées par le virus du Sida occupent un emploi, contre 23 % en 2005. Cette évolution semble en grande partie liée à l’amélioration de l'efficacité des traitements . En effet, chez les personnes contaminées avant l’arrivée des multithérapies antirétrovirales, le taux d’emploi n’est que de 37 %, alors qu’il atteint 58 % chez les personnes infectées après cette date (tandis que le taux d’emploi de la population générale ne dépasse pas les 65 % et celui des personnes handicapées les 45 %). Quel commentaire encourageant ces données ont-elles inspiré à Michel Simon, vice président d’Aides : « Le sida aujourd’hui n’a rien avoir avec le sida d’il y a vingt ans. Les choses ont énormément bougé et la société n’a pas bougé ». Il semble pourtant que ces chiffres marquent que le monde du travail a plutôt bien intégré les très grandes évolutions qui ont marqué la prise en charge du Sida, tandis que les séropositifs peuvent désormais plus facilement dépasser leurs problèmes de santé pour mener une activité normale (taux d'activité très proche de celui de la population générale).

Des discriminations toujours importantes

Cette entreprise de démystification des discours convenus autour du Sida ne doit cependant pas faire croire que nous nions la persistance d’une importante discrimination des séropositifs dans le monde du travail. Cependant, d’autres chiffres le disent bien mieux que ceux relatifs au taux d’emploi. Il apparaît en effet qu’aujourd’hui encore 62 % des séropositifs travaillant n’ont pas révélé leur statut (ce qui à y bien réfléchir peut sembler tout à fait "normal" puisque l'on ne révèle pas non plus forcément son diabète de type 2 à ses employeurs ou ses collègues de travail). Plus significatif, en 2009, le réseau Sida Info Service indiquait qu’un quart des appelants séropositifs évoquaient des discriminations dans le cadre de leur travail. Dans 20,6 % des cas, elles étaient le fait de leurs collègues, pour 15 % de leur employeur et 7,9 % du médecin du travail. Cette peur de la stigmatisation qui pousse une majorité de séropositifs à taire leur maladie les prive d’un certain nombre de droits. Depuis 2005 en effet, ils peuvent demander un statut de travailleur handicapé, leur permettant notamment d’accéder à des horaires aménagées. Aujourd’hui, moins de 10 % en bénéficient.

 

Illustration : Autre temps, autres mœurs : Tom Hanks dans le rôle d’Andrew Beckett, avocat renvoyé parce que séropositif, dans le film Philadelphia [inspiré de l’histoire vrai de Geoffrey Bowers (1954-1987)]

Aurélie Haroche

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