
Le dépistage du cancer du sein par mammographie n’en finit pas de nourrir des débats. Le British Medical Journal publie une nouvelle étude, incluant près de 90 000 femmes. L’objectif des auteurs était de comparer l’incidence du cancer du sein et la mortalité à 25 ans de femmes âgées de 40 à 59 ans, les unes se soumettant à des mammographies, les autres à un examen clinique. Pour les auteurs, évaluer les bénéfices du dépistage ne devrait pas se faire en terme de survie mais bien en terme de réduction de la mortalité à long terme. De même, le risque de surdiagnostic ne peut être estimé que dans un essai randomisé se prolongeant suffisamment longtemps après l’arrêt du dépistage, alors qu’un éventuel cancer non dépisté précocement serait devenu cliniquement apparent.
Les femmes ont donc été randomisées en deux groupes, les unes se soumettant chaque année pendant 5 ans à une mammographie, les autres à un examen clinique seul. Le suivi a duré 25 ans.
Pendant les 5 ans du dépistage, 666 cancers ont été découverts dans le groupe mammographie et 524 dans l’autre groupe. Au total 180 des femmes dont le cancer a été dépisté par mammographie systématique sont décédées de leur cancer dans les 25 ans, et 171 de l’autre groupe. Il n’apparaît donc pas dans cette étude de bénéfice significatif du dépistage mammographique sur la mortalité par cancer du sein (Hazard Ratio [HR] 1,05 ; intervalle de confiance à 95 % [IC] 0, 85 à 1,30) quelle que soit la tranche d’âge.
Au cours des 25 ans du suivi, 3 250 cancers ont été diagnostiqués au total dans le groupe mammographie et 3 133 dans l’autre groupe. Là encore, le dépistage mammographique ne semble apporter aucun bénéfice, puisque finalement 500 patientes du groupe mammographie et 505 patientes n’ayant pas eu de mammographie décèderont de leur cancer (HR 0,99 ; IC 0,88 à 1,12).
A la fin des 5 ans de la période de dépistage, il y avait 142 cancers de plus dans le groupe dépistage mammographique (666 vs 524). Quinze ans après le début de l’étude, ce nombre est peu modifié, la différence est encore de 106 cancers supplémentaires dans le groupe mammographie. Ils représentent selon les auteurs les surdiagnostics, soit un taux de 22 % ou encore 1 surdiagnostic pour 424 femmes dépistées.
Il est évident que les conditions particulières de cette étude (dépistage à partir de 40 ans pour certaines, dépistage annuel, interruption du dépistage mammographique au bout de 5 ans) interdisent toute généralisation. Cette étude apporte toutefois des arguments supplémentaires à ceux qui réclament que soient clairement revus les bénéfices de la mammographie systématique.
Dr Roseline Péluchon