L’ambulatoire n’est pas simplement une question économique !

Paris, le vendredi 2 mai 2014 – Depuis de nombreuses années, des rapports insistent sur le fait que la France connaît un retard important par rapport à nombre de ses voisins en ce qui concerne la chirurgie ambulatoire. Or, beaucoup y voient une source d’économies importantes. Cependant, sur l’ampleur des gains qui pourraient être dégagés grâce à un essor de la chirurgie ambulatoire, les estimations divergent très nettement. Face aux prévisions les plus généreuses, la Fédération hospitalière de France (FHF) a ainsi tenu à insister ces derniers mois sur le fait que la chirurgie ambulatoire ne devait pas être considérée comme une solution miracle.

Pour le JIM, le secrétaire général de la Fédération nationale des accidentés de la vie et du travail (FNATH), Arnaud de Broca, revient sur ces questions en soulignant que l’enjeu du développement de la chirurgie ambulatoire n’est pas uniquement économique et qu’il est urgent de ne pas l’oublier afin d’éviter des évolutions dommageables pour les patients, alors que cette voie peut représenter pour eux également un véritable atout.

Par Arnaud de Broca, Secrétaire général de la FNATH, association des accidentés de la vie

Présenté dans le cadre d’un plan d’économies, le développement de la chirurgie ambulatoire semble devoir permettre de dépenser moins pour soigner mieux. Ainsi, il permettrait d’économiser entre 1 milliard selon les projections du gouvernement et 5 milliards d’économies selon un récent rapport de la cour des comptes.

Dommage que la question soit principalement abordée sous l’angle économique. Car elle présente bien d’autres avantages : un confort certain pour le patient qui préfère récupérer et se reposer à la maison de manière évidemment plus agréable que dans une chambre d’hôpital. Mais aussi un impact sur les risques d’infections nosocomiales, ce qui n’est pas non plus négligeable…

Personne ne peut donc s’opposer, et en tout cas pas la FNATH, qui représente les personnes accidentées de la vie, malades ou handicapées, au développement de la chirurgie ambulatoire. On peut toutefois s’interroger sur l’importance des économies réelles attendues, si l’on compte la totalité des dépenses entourant le retour des malades chez eux en taxis ou ambulances, le coût des médicaments ou du suivi en aval et en amont de l’intervention.

Repenser le parcours du patient

Mais au-delà du montant des économies possibles qui a soulevé quelques polémiques, on peut également s’interroger sur les garanties nécessaires à mettre en place. Elles font largement consensus, mais il est quand même nécessaire de les avoir en tête alors que l’on s’apprête à réaliser d’ici 2016 une opération sur deux en ambulatoire, sachant qu’actuellement 40 % des actes en chirurgie le sont, avec d'importantes variations en fonction des régions et des spécialités.

Il faut être vigilant vis-à-vis de l’état de fragilité des personnes, qui ne dépend pas forcément de leur âge, mais plutôt de leur santé, de leur maladie et surtout de leur isolement. Car il peut être difficile pour un malade après une opération en ambulatoire de se retrouver chez lui, seul, en incapacité de gérer sa douleur ou des restrictions éventuelles d’activités.

Dans la plupart des spécialités, un des enjeux majeurs pour la réussite du développement de l’ambulatoire est de le préparer en amont de l’opération mais aussi de mettre en place un suivi. Finalement, il s’agit de repenser ce qui ne l’est pas assez aujourd’hui : le parcours du patient. Cela implique de mettre en place une autre organisation et une coordination renforcée entre les différents intervenants, en particulier pour les personnes les plus isolées ou démunies.

Le développement de la chirurgie ambulatoire ne se décrète pas

Les enjeux financiers sont importants. Mais il ne suffira pas de décréter le développement de la chirurgie ambulatoire pour modifier l’accompagnement et le parcours des personnes malades. Mais il va de soi que pour certaines spécialités, rien n’empêche d’aller vite. Pour d’autres, cela implique certainement une réflexion plus profonde, des garanties à apporter aux malades et un calcul des économies réelles dégagées. Mais, malgré cela, c’est une voie qu’il faut suivre pour le confort du patient avant tout.

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Vos réactions (17)

  • Ambulatoire ne veut pas dire mieux soigner !

    Le 03 mai 2014

    Je suis médecin généraliste et malheureusement la chirurgie ambulatoire ne permettra pas de soigner mieux. En tout cas, cela ne peut pas s'envisager chez tout le monde et en particulier chez les patients qui sont loin d'une structure hospitalière. On ne s'interroge même pas comment le médecin généraliste va faire face au suivi post-opératoire. On reçoit toujours le compte rendu opératoire qui explique comment s'est déroulée l'intervention mais jamais comment suivre le malade, quels symptômes doivent inquiéter, ou un laconique "j'ai donné au patient les conseils d'usage". Le patient en sait plus que nous...? "Surtout si vous avez le moindre problème n'hésitez pas à nous appeler" et le patient appelle et nous rappelle derrière car le médecin hospitalier est aux abonnés absents. Sans parler des spécialistes qui font semblant de donner leur portable mais ne répondent jamais quand on a besoin d'eux.
    Et je rappelle ce jeune garçon opéré des amygdales, décédé dans la voiture de ses parents qui le ramenait à la maison, par hémorragie. Chirurgie ambulatoire ne veut pas dire sortir de l'hôpital prématurément non plus, sans se soucier du suivi post opératoire. Est ce que le médecin traitant sera présent et pas en congé? Combien de temps faut il au patient pour revenir en urgence depuis son domicile? Est ce que le médecin généraliste recevra le compte rendu d'hospitalisation à temps et non pas 15 jours après la sortie comme c'est pratiquement toujours le cas ... La chirurgie ambulatoire va soulager les médecins hospitaliers d'une charge de travail et en rajouter une supplémentaire sur les médecins généralistes qui en font déjà bien assez comme ça. Et si moi j'imposais "la maison à l'hôpital" comme on nous impose l'hospitalisation à domicile....
    Dr Fontaine

  • Economie pour la sécu mais pas pour les médecins !

    Le 03 mai 2014

    Il faut d'abord souligner l'inconstance des tutelles. J'ai connu un temps où il fallait supplier pour avoir quelques places d'ambulatoires autorisées ! J'aimerais que les responsables de l'époque viennent nous dire: excusez nous, on s'est trompé, on n'a pas su comprendre l'évolution des pratiques. Mais comme toujours, il n'y a aucune responsabilité politique. Les ministres, directeurs de cabinet et technocrates de tout poil font un petit tour puis s'en vont en laissant la m… pour des années. On aimerait qu'ils aient une responsabilité de 30 ans comme les médecins!
    Il faut aussi savoir de quoi on parle. Les coloscopies, la cataracte, les hernies inguinales, les varices, pour tout çà le privé est quasiment au taquet depuis des années, avec un surcoût qui n'est pas compensé (temps de secrétariat pour rappeler les patients, temps médecin pour répondre aux patients inquiets ou algiques, ou consultation en urgence pour les revoir plus tôt que prévu…). Du traitement des feuilles de soins aux réunions et commissions divers et variées, les médecins libéraux n'arrêtent pas d'assumer des tâches gratuitement. Ça devient intolérable. Maintenant c'est au public de faire un effort.
    Enfin, pour la "vraie chirurgie" , la "lourde", thoracique, abdominale, vasculaire ou orthopédique, c'est une autre histoire. L'ambulatoire demande alors une logistique importante que le privé ne peut assumer gratuitement. La surveillance à domicile est problématique. Il ne faut pas compter sur les généralistes, ils n'ont ni la compétence ni la disponibilité pour la faire. La prise en charge de la douleur est également un souci même pour de la "petite" chirurgie. J'aimerais bien voir une de nos têtes d'œuf de l'ENA rentrer à domicile après un Milligan et Morgan…

    Pierre Moreau

  • Une responsabilité qui repose sur les proches

    Le 03 mai 2014

    La théorie est séduisante, la pratique est toute autre pour le patient : venir à 7 h du matin après la 2ème douche Bétadinée, cela veut dire se faire obligatoirement accompagner par un aidant naturel (qui travaille...), faire selon la région 2 heures de route aller-simple auparavant, donc se lever à 4 h du matin, puis faire revenir l'aidant naturel pour rentrer car il n'est bien sûr pas question de conduire le jour d'une A.G., sans parler des mineurs et des personnes dépendantes, puis de se faire surveiller par l'entourage absolument pas formé à ces circonstances et qui pourrait paniquer et faire appel au Centre 15, le Médecin de Garde ou les Urgences. Une fois de plus, la prise en charge en terme de temps, de trajet (2 allers-retours dans une journée plus le travail avec son déplacement en sens différent), donc financière et de fatigue (AVP...!) et aussi en responsabilité repose sur les proches, s'ils existent...

    Claudia Mildenberger

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