Et maintenant que vais-je faire ?

Paris, le samedi 31 mai 2014 – Il est souvent rappelé que l’exercice de la médecine ne protège pas contre le risque de suicide, bien au contraire. Le burn out, la dépression, voire le passage à l’acte ne sont en effet pas si rares chez ceux qui ont fait vocation de soigner les autres et qui souvent oublient de prendre soin d’eux-mêmes. Le phénomène est si inquiétant que l’Union française pour une médecine libre (UFML) a même récemment organisé sous les fenêtres du ministère de la santé, un happening sur ce thème en mettant en scène des simulacres de suicide de médecins harassés par les heures de travail, le manque de considération et les tracasseries administratives.

Un étranger qui me ressemblait comme un frère

Pour lutter contre le risque de suicide des praticiens, des dispositifs ont été mis en place, tels des lignes d’écoute spécifiques ou des groupes au sein des organisations syndicales dédiés à cette problématique. Cependant, l’auteur du blog « Cris et chuchotements », une gastroentérologue installée en ville, estime que pour éloigner le spectre du burn out, les praticiens doivent également se souvenir qu’ils ne sont pas que des médecins. Cette constatation lui a été inspirée d’une confidence désespérée d’un de ses amis, qui, âgé de 67 ans et venant de prendre sa retraite n’a pu que constater : « Je ne suis plus rien ». A partir de cette phrase douloureuse, l’auteur du blog dresse le portrait de praticiens ayant consacré leur vie entière à leur métier et n’ayant jamais trouvé le temps de s’intéresser à d’autres univers. « Nous nous heurtons aux limites de nous-mêmes. Médecins nous sommes, et pour la plupart d’entre nous, c’est une identité.  Nous pourrons nous définir avec emphase « habités par la passion du métier »… plus objectivement, c’est juste que nous ne savons pas faire grand chose d'autre. Hors se marier et avoir quelques enfants, nous n’avons pas eu l’opportunité d’aller vers d’autres pôles d’intérêt pendant notre jeunesse, bouffée par l’investissement de temps, par le sacrifice de nos loisirs, par la ténacité de travail. Après coup, il est tard pour trouver d’autres sujets d’intérêt, et puis nous n’avons toujours pas trouvé le temps. De ce fait, être médecin est alors notre vraie et parfois seule valorisation. Nous ne savons pas, ou n’avons plus l’énergie de sortir du rôle pour explorer d’autres champs. Ainsi, l’habit médical ne nous quitte jamais » analyse-t-elle. Cette situation tend à transformer la vie des médecins, en dehors de leur profession en « un marécage. Les rivages des intérêts personnels sont secs, et hors la médecine, trop peu de médecins participent activement à une activité extra-médicale » écrit-elle encore. Cette « pauvreté de notre vie extramédicale » qui à ses yeux est le « plus gros défaut » des médecins aboutit à les transformer en étrangers de leur propre vie.

Comment s’échapper ?

L’auteur du blog va même plus loin. Alors que venant des pouvoirs publics et des caisses primaires d’assurance maladie, les dévalorisations et les vexations peuvent apparaître nombreuses, en délaissant tout un pan de leur vie, les praticiens deviennent peu à peu leurs « propres persécuteurs » conclue-t-elle.

Reste à savoir si un blog consacré en très grande majorité à l’exercice de la médecine est une véritable échappatoire.

Pour lire l’ensemble de ce post, vous pouvez aller à cette adresse : http://www.cris-et-chuchotements.net/article-b-67-ans-medecin-retraite-je-ne-suis-plus-rien-123461399.html

Aurélie Haroche

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Vos réactions (3)

  • Explorer d'autres horizons

    Le 31 mai 2014

    Revaloriser réellement l'acte du médecin conventionné au niveau de la moyenne européenne nous permettrait aussi de nous sentir "revalorisés" et de pouvoir explorer d'autres horizons sans se sentir obligés d'accumuler les heures de travail uniquement pour être à jour de toutes les charges fiscales !

    Dr Georges Malagola

  • Considérons cela comme un nouveau combat

    Le 31 mai 2014

    Ne nous leurrons pas, si c'est une "sainte" passion qui nous a amenés à nous laisser "phagocyter" par le métier, nous aurons raisonnablement souffert pendant l'action, au contraire, peut-être, de notre entourage trop souvent frustré par nos absences.
    Il nous faudra donc préparer la sortie en ayant des objectifs d'activités, au besoin mixtes, c'est-à-dire encore un peu para-professionnels et d'autres totalement privés. Cela permet de ménager la chèvre de l'ex-professionnel qui peut se consacrer, maintenant qu'il en a le temps, à des actions collectives dans un monde qu'il connait bien et qui le reconnait, et le chou de celui qui doit réapprivoiser un domaine dont il avait perdu le contact et qui est désormais redevenu son univers.
    Je doute fort qu'une vision purement matérialiste de la question résolve quoi que ce soit. Nos professions ont été dévalorisées, en tout cas, démonétisées depuis 20 ans, certes, mais il ne fallait pas être grand clerc pour comprendre que ça devait nous arriver quand toutes les autres professions (exceptées celles des exploiteurs et des marchands de vent) l'avaient déjà été. Considérons cela comme un nouveau combat, pas une désolation ; alors il y aura peu de place pour l'ennui et la déprime.

    H.Tilly

  • Assolement et jachère

    Le 31 mai 2014

    Faire évoluer "les rivages secs des intérêts personnels" en des terreaux fertiles où pourrait s'épanouir une vie tournée non plus exclusivement vers la pratique médicale est un beau programme.
    Nous n'avons pas appris à prendre soin de nous et à nous voir autrement que "lestés" de nos attributs (blouse blanche de nos jeunes années, sthétoscope en lavallière ou sautoir), et même si nous nous sentons corsetés et à l'étroit dans nos habits, en changer n'est pas si aisé. Si les facteurs favorisants du burn out, individuels ou liés à l'organisation du travail sont connus, comment ne pas systématiquement les subir dans notre quotidien reste un mystère. Une voie, peut être : nous autoriser la jachère, ce temps où la terre en repos est régulièrement travaillée, aérée, labourée pour laisser partir ce qui n'est plus ni nécessaire ni utile. Cette "jachère" est accessible par des pratiques dites attentionnelles, où l'énergie au lieu de fuir dans les tensions-physiques et émotives en particulier, est récupérée, recyclée pour notre profit, notre mieux être au travail, car l'enjeu est bien là : être bien, dans le quotidien de notre exercice, pour que cette profession de choisie, ne devienne pas que, subie.

    Dr. Patricia Pâme
    Médecin généraliste

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