Où les biberons de suppléments nuisent à la prolongation de l’allaitement maternel

L’allaitement maternel exclusif est très largement recommandé durant les premiers mois de vie. Il est admis qu’utiliser des suppléments avec un lait artificiel est habituellement associé à une baisse de fréquence et de durée d’allaitement mais il n’est pas établi s’ils en sont la cause ou la conséquence. D’un autre côté, les facteurs qui conditionnent le succès ou l’échec de l’allaitement sont multiples ce qui rend difficile d’isoler le rôle de ces suppléments.

Des chercheurs de Sacramento (Californie) ont conduit une étude prospective en 2006-07 dans le but d’isoler ce facteur. Les mères primipares ont été sélectionnées et interviewées entre la 32ème et la 40ème semaine de gestation. Leur participation a été confirmée le premier jour de vie du nouveau-né. Les critères d’exclusion étaient une naissance avant 37 semaines, une séparation immédiate mère enfant de plus de 24 heures, l’intention de ne pas allaiter exclusivement au moins une semaine. Les difficultés de lactation étaient prises en charge par une infirmière spécialisée. L’interview a permis de préciser les niveaux d’éducation et socioéconomique, l’ethnie, les pathologies pouvant interférer. Les motivations des mères pour l’allaitement ont été classées en 4 niveaux, de faible à très forte. Les enquêtes sur les modalités de l’alimentation ont été faites à J3, J7, J14, J30 et J60. L’étude statistique a comporté une analyse de régression logistique.

Au total, 532 femmes ont accepté de participer à l’étude en période prénatale et après les exclusions, 407 ont déclaré leur intention d’un allaitement exclusif au moins 1 semaine. Des renseignements complets sur le mode d’alimentation ont été obtenus. L’âge maternel moyen était de 26,3 ± 5,9 ans, 38 % avaient au moins suivi l’enseignement secondaire, 47 % avaient des revenus bas ; les origines ethniques étaient variées. L’âge gestationnel était de 39,6 ± 1 semaine et 69 % des naissances ont eu lieu par voie basse. Pendant le séjour hospitalier, en moyenne de 2,5 ± 1,5 jours, 210 enfants (53 %) n’ont reçu que le lait maternel et 183 (47 %) ont eu des suppléments. Les raisons les plus fréquentes en étaient le sentiment d’un apport insuffisant (18 %), des signes d’un apport inadéquat (16 %), une inadaptation de l’enfant au sein (14 %). La prévalence de l’allaitement mixte entre J30 et J60 était de 67,8 % et de l’allaitement exclusif de 36,7 %. Le risque relatif d’allaitement mixte lié à l’existence de suppléments à l’hôpital, corrigé des facteurs de confusion était augmenté : Risque relatif corigé (RRc) 1,8 (intervalle de confiance à 95 % [IC] 1,4-2,3). L’arrêt de l’allaitement maternel avant J60 était effectif chez 32,8 % des supplémentés contre 10,5 % des non supplémentés (RRc 2,7 ; IC 1,7-4,5). Le rapport de risques (OR) de ces 2 évènements augmentait avec la quantité de suppléments administrés : allaitement mixte à J30-J60 (P = 0,003), arrêt de l’allaitement maternel (P = 0,011).

En conclusion, des suppléments avec des biberons les 3 premiers jours de vie augmentent le risque d’abandon précoce de l’allaitement maternel à J60, même après ajustement en fonction des motivations maternelles.  

Pr Jean-Jacques Baudon

Référence
Chantry CJ et coll. : In-hospital formula use increases early breastfeeding cessation among first-time mothers intending to exclusively breastfeed. J Pediatr., 2014; 164: 1339-45

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Vos réactions (2)

  • Mèfiance

    Le 10 juin 2014

    La recherche est intéressante mais comme il y a de la publicité de Nestlé partout, je me questionne sur votre potentiel de conflit d'intérêt, alors pour éviter d'être mal informé, j'ai lu la recherche originale au lieu de me fier à vous.
    Chantal Lavigne IBCLC
    Québec (Canada)

  • La réponse de la rédaction

    Le 18 juin 2014

    Cette réaction sur un "potentiel conflit d'intérêt", nous permet de souligner que d'une part celui-ci ne nous a pas dissuadé de publier cet article scientifique et que d'autre part il ne nous a pas conduit à ne pas mettre en ligne cette réaction que nous aurions pu juger "potentiellement" comme déplaisante.

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