
L’envahissement du ganglion sentinelle (GS) est reconnu comme le facteur pronostique le plus pertinent dans les mélanomes intermédiaires (indice de Breslow 1 à 4 mm), mais sa valeur est controversée pour les mélanomes épais (ME) > 4 mm, dont le devenir est de toute façon sombre, du fait de la fréquence de métastases occultes dès lors que le diagnostic en est posé. Les auteurs orégonais ont voulu approfondir la valeur pronostique du GS dans les ME, notamment sur la survie globale et sur la survie sans récidives.
Ils ont pour cela repris les 120 ME (91 hommes) traités à Portland entre 2007 et 2012 sans ganglion palpable ; ils ont exclu de leur étude les malades ayant subi d’emblée un curage lymphatique complet, ou ceux qui avaient, dès la 1ère consultation, des métastases à distance. Le prélèvement des GS faisait appel à la fois aux techniques isotopiques (Tc99 radioactif) et tinctoriales (bleu patent), avec examen anatomopathologique extemporané.
Plus des trois quarts des pièces montraient un index mitotique élevé, et, au total 43 GS (36 %) se sont avérés positifs. Les facteurs qui étaient associés à ces GS positifs étaient le sexe masculin, l’âge avancé, les lésions les plus épaisses, ulcérées, et celles dont l’index mitotique était le plus élevé. On a vu apparaître des métastases chez 12 % de ces malades dans les 2 ans, et le fait d’avoir un GS envahi rendait plus probable leur apparition, comme celle de récidives locorégionales.
Le fait d’avoir un ME ulcéré était en soi porteur de sombres conjectures car cela augmentait les risques d’avoir un GS envahi, un indice mitotique élevé, un niveau de Clark plus important (reflétant la profondeur de la lésion, touchant le seul épiderme au niveau I, le derme papillaire aux niveau II et III, la couche réticulée du derme au niveau IV, et le tissu graisseux sous-cutané au niveau V) et des récidives locorégionales et métastatiques.
Chez les malades avec GS positif, index mitotique élevé et épaisseur > 5,5 mm (surtout si ce sont des hommes âgés), la survie à 5 ans, tant globale (45 vs 62 %) que spécifique (20 vs 50 %) est très diminuée. En analyse multivariée, la présence de GS envahis a été le facteur prédictif le plus puissant de survie chez les malades porteurs de ME.
La positivité d’un ganglion sentinelle constitue donc un facteur pronostique important dans les mélanomes épais et elle peut modifier la stratégie thérapeutique.
Dr Jean-Fred Warlin