
Le syndrome d’apnées obstructives du sommeil (SAOS) retient de plus en plus l’attention des ophtalmologistes. Certes, les complications oculaires de ce syndrome ne sont pas encore toutes identifiées avec précision et certitude, mais de plus en plus d’études plaident en faveur des risques qu’il ferait encourir à l’œil. Son rôle est probablement sous-estimé, compte tenu de son diagnostic souvent difficile, voire méconnu devant des symptômes peu spécifiques ou trompeurs. Quoi qu’il en soit, le SAOS est d’ores et déjà impliqué ou soupçonné dans la survenue de diverses pathologies oculaires, qu’il s’agisse du glaucome, de certaines rétinopathies, de neuropathies optiques ischémiques antérieures, du floppy eyelid syndrom (relâchement anormal des paupières supérieures, souvent associé à des conjonctivites et à des pathologies cornéennes) ou encore de l’occlusion de la veine centrale de la rétine.
Une étude de cohorte prospective, de type cas-témoins, tend à confirmer que l’œil, notamment la rétine, pourrait bien être un organe-cible du SAOS. Elle a initialement inclus 64 patients et 40 témoins. Tous les participants potentiels ont bénéficié d’un enregistrement polysomnographique. Au terme d’un premier bilan ophtalmologique, 25 sujets ont été exclus du fait d’un glaucome et/ou d’une affection systémique.
L’épaisseur de la couche des fibres nerveuses rétiniennes (CFNR) a été mesurée par la tomographie de cohérence optique (OCT) en analyse spectrale chez les 79 sujets restants, dont 44 atteints de SAOS et 35 témoins. Cette mesure a été effectuée à l’état basal et 12 mois plus tard. La sévérité du syndrome a été évaluée au moyen de l’index d’apnées et d’hypopnées (IAH).
Au terme du suivi, la diminution de l’épaisseur de la CFNR
différait selon les groupes. Ainsi, en cas de SAOS, elle s’avérait
plus importante que dans le groupe témoin (p = 0,002), sa variation
étant également significative (p < 0,001) par rapport aux
valeurs basales. En outre, une corrélation significative (p <
0,05) a été établie entre l’IAH et l’épaisseur finale de la CFNR
dans le groupe SAOS.
Cette étude prospective suggère que le SAOS favorise la survenue
d’un glaucome, dans la mesure où la diminution de la CFNR est un
signe annonciateur de cette pathologie oculaire. De ce fait, chez
les patients atteints de ce syndrome, la recherche d’un glaucome
semble se justifier. En contrepartie, l’ophtalmologiste ne doit pas
hésiter à évoquer le diagnostic de SAOS, face à un glaucome ou à
certaines des affections oculaires précédemment évoquées.
Dr Philippe Tellier