
Il s’agit d’une phobie spécifique (c'est-à-dire centrée sur un seul objet) dont la prévalence est inconnue.
Cette pathologie peu invalidante, à moins de vivre dans un cirque, est parfois spectaculaire (c’est le cas de le dire) : panique devant une simple photo ou une image à la télévision, crise d’angoisse en cas de rencontre réelle, terreur nocturne…
Ridi del duol, che t'avvelena il cor ! (2)
Au delà des classiques interprétations de la phobie, il existe des explications propres à cette phobie spécifique.Pour la psychothérapeute Emmanuelle Lecomte, interrogée par Medisite, c'est le masque qui symbolise la peur : « avoir le visage caché peut désinhiber les actes. Derrière ce déguisement, on ne sait pas de quoi la personne est capable, c'est un facteur inconnu qui peut faire ressortir des peurs et créer une angoisse ». Ainsi, pour elle, cette crainte irraisonnée pourrait provenir de ce que l’on devine des intentions de celui qui fait le clown en dehors des chapiteaux. Dans la vie de tous les jours, revêtir ce costume pour faire peur aux autres « est une forme de perversité » estime-t-elle : « c'est vouloir mettre les gens à bout et jouer avec la peur ».
Comme le bidet de Duchamp, qui, installé dans un musée se métamorphose en art, le nez rouge hors de sa piste, ne fait plus rire et favorise une ambiance malsaine « parce qu'il est en dehors de la sphère qui lui est naturellement dévolue » explique quant à elle la psychologue Anne Floret. On peut également rappeler que la clownerie hors piste suscite la frayeur de subir en public des blagues de mauvais goût, voire des actes malveillants et humiliants.
Une phobie pas si spécifique
Cette phobie s’associe parfois à une peur des masques, du maquillage, des déguisements ou même de certains animaux, autres phobies fréquentes reflétant des peurs fondamentales liées aux inconnus et aux prédateurs potentiels.Enfin, selon plusieurs experts, la coulrophobie aurait été amplifiée par la création, au cinéma, du personnage du clown tueur et maléfique.
Mais cédons la piste aux artistes, qui par la voix de l’association Clowns of America International déclarent : « nous ne soutenons aucune forme de fiction et aucun média qui sensationnalise la coulrophobie ».
Frédéric Haroche