Arrêtez de faire le clown : je suis coulrophobe !

Paris, le samedi 1er novembre - Comme en 1976, durant l’affaire Patrick Henry, « la France à peur » (1). La terreur ne vient pas cette fois-ci (et heureusement) d’une succession d’enlèvements d’enfants mais de la profusion de « clowns agressifs ». Ils rôdent autour des écoles, grimés en Auguste dévoyé de film d’horreur, parfois l’arme à la main et poursuivant les enfants de leur courroux incompréhensible. Sur le qui-vive et désireuse d'endiguer la contagion, la police nationale multiplie les messages de prévention tandis qu’une psychose collective a envahi la toile. Au-delà de ce phénomène, cette phobie de Polichinelle est un "vrai" trouble décrit de longue date sous le nom de coulrophobie.

Il s’agit d’une phobie spécifique (c'est-à-dire centrée sur un seul objet) dont la prévalence est inconnue.
Cette pathologie peu invalidante, à moins de vivre dans un cirque, est parfois spectaculaire (c’est le cas de le dire) : panique devant une simple photo ou une image à la télévision, crise d’angoisse en cas de rencontre réelle, terreur nocturne…

Ridi del duol, che t'avvelena il cor ! (2)

Au delà des classiques interprétations de la phobie, il existe des explications propres à cette phobie spécifique.

Pour la psychothérapeute Emmanuelle Lecomte, interrogée par Medisite, c'est le masque qui symbolise la peur : « avoir le visage caché peut désinhiber les actes. Derrière ce déguisement, on ne sait pas de quoi la personne est capable, c'est un facteur inconnu qui peut faire ressortir des peurs et créer une angoisse ». Ainsi, pour elle, cette crainte irraisonnée pourrait provenir de ce que l’on devine des intentions de celui qui fait le clown en dehors des chapiteaux. Dans la vie de tous les jours, revêtir ce costume pour faire peur aux autres « est une forme de perversité » estime-t-elle : « c'est vouloir mettre les gens à bout et jouer avec la peur ».

Comme le bidet de Duchamp, qui, installé dans un musée se métamorphose en art, le nez rouge hors de sa piste, ne fait plus rire et favorise une ambiance malsaine « parce qu'il est en dehors de la sphère qui lui est naturellement dévolue »  explique quant à elle la psychologue Anne Floret. On peut également rappeler que la clownerie hors piste suscite la frayeur de subir en public des blagues de mauvais goût, voire des actes malveillants et humiliants.

Une phobie pas si spécifique

Cette phobie s’associe parfois à une peur des masques, du maquillage, des déguisements ou même de certains animaux, autres phobies fréquentes reflétant des peurs fondamentales liées aux inconnus et aux prédateurs potentiels.

Enfin, selon plusieurs experts, la coulrophobie  aurait été amplifiée par la création, au cinéma, du personnage du clown tueur et maléfique.

Mais cédons la piste aux artistes, qui par la voix de l’association   Clowns of America International  déclarent : «  nous ne soutenons aucune forme de fiction et aucun média qui sensationnalise la coulrophobie ».

Frédéric Haroche

Références
1) Roger Gicquel, in journal télévisé de TF1 du 18 février 1976 : « la France à peur » au sujet de l’assassinat de Philippe Bertrand.
2) En français : « ris de la douleur qui te déchires le cœur », parole de Vesti la giubba, « mets ta veste », air entonné par le clown Pagliacci (dans l’opéra éponyme de Leoncavallo) avant d’entrer en scène et de tuer son épouse et son amant, profitant de la confusion des spectateurs s’imaginant que ce double assassinat fait partie de la scène.

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