Progestérone après un traumatisme crânien, le chant des sirènes…

Il est une action peu connue de la progestérone, c’est son effet neuro-protecteur. De nombreuses expérimentations ont en effet montré que la progestérone alliait des propriétés d’inhibition des cytokines inflammatoires et de réduction du taux des facteurs liés à l’inflammation, concourrait à la prévention de l’apoptose ou de certaines conséquences de l’ischémie neuronale ou encore permettait de réduire l’œdème cérébral. Près de 200 études expérimentales ont été menées chez l’animal confirmant cet effet neuro-protecteur et indiquant notamment que l’administration précoce de progestérone après un traumatisme crânien réduisait l’œdème cérébral, les pertes neuronales et les déficits séquellaires. A côté de ces études animales, 2 essais randomisés de phase 2 ont été menés avec succès chez l’homme.

Le New England Journal of Medicine publie ces jours-ci les résultats de 2 essais de phase 3, SYNAPSE (Study of a Neuroprotective Agent, Progesterone, in Severe Traumatic Brain Injury) et PROTECT III (Progesterone for the Treatment of Traumatic Brain Injury). Tous deux ont été menés chez des traumatisés crâniens, à la phase précoce.

Dans les deux cas, des patients traumatisés crâniens  ont été randomisés pour recevoir de la progestérone par voie veineuse ou un placebo. Dans SYNAPSE, il s’agissait de  victimes (n = 1 195) d’un traumatisme crânien sévère, avec un score de Glasgow inférieur à 8, alors que l’étude PROTECT incluait des patients avec des traumatismes crâniens de gravité variable, le score de Glasgow allant de 4 à 12. Le traitement était administré précocement, dans les 8 heures et pendant 120 heures pour SYNAPSE, dans les 4 heures et pendant 96 heures pour PROTECT.

Des résultats décevants

Contrairement aux études menées sur les animaux, les résultats sont pour le moins décevants. Dans les deux études en effet, il n’y a pas de différence entre les deux groupes (sans ou avec progestérone) en ce qui concerne la proportion de patients avec un pronostic favorable à 6 mois. Les analyses ajustées sur la sévérité du traumatisme ne témoignent pas davantage d’une quelconque efficacité. Des résultats si peu convaincants que les auteurs de l’étude PROTECT III ont décidé de l’arrêter avant son terme (arrêt pour inutilité).

Ces résultats décevants s’intègrent dans une longue suite d’essais thérapeutiques inaboutis menés chez les traumatisés crâniens. Toutefois ici le contraste entre ces conclusions et celles des études menées chez l’animal suscite quelques réflexions. Pour les auteurs, il s’explique par la complexité des mécanismes directs et indirects mis en œuvre simultanément au cours des traumatismes crâniens. Pour l’éditorialiste du New England Journal of Medicine, le problème pourrait être plus profond et refléter un biais fondamental de la recherche, tenant à la méthodologie ou à la publication des études scientifiques. L’éditorialiste nous incite même, concernant les publications scientifiques, à ne pas imiter Homère dans l’Odyssée et à résister au chant des sirènes…

Dr Roseline Péluchon

Références
Skolnick BE et coll. : A Clinical Trial of Progesterone for Severe Traumatic Brain Injury.
N Eng J Med.,2104; publication avancée en ligne le 10 décembre. DOI: 10.1056/NEJMoa1411090.
Wright DW et coll. : Very Early Administration of Progesterone for Acute Traumatic Brain Injury. N Eng J Med.,2104; publication avancée en ligne le 10 décembre. DOI: 10.1056/NEJMoa1404304.
Schwann Lee H : Progesterone for Traumatic Brain Injury – Resisting the Siren’s Song.
N Eng J Med.,2104; publication avancée en ligne le 10 décembre. DOI: 10.1056/NEJMe1412951.

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Vos réactions (1)

  • Résistez aussi aux emportements inquiétants :

    Le 18 décembre 2014

    Résistez aussi aux emportements inquiétants :
    Homère, n’étant que le présumé auteur de l’Odyssée, est hors de cause. Le prudent Ulysse s’étant préventivement attaché au mât ne succomba pas. Seul son équipage, fut un moment tourmenté!

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