Quel dépistage pour le diabète de type 2 ?

Aux USA, on estimait en 2010 qu’un diabète avait été diagnostiqué chez 21 millions de personnes et qu’environ 8 autres avaient un diabète méconnu. Dans 90 à 95 % des cas, il s’agissait d’un diabète de type 2 (DNI2). Entre 1995 et 2010, la prévalence de la maladie diabétique n’a cessé de croître, passant de 5 à 8 % des adultes américains et faisant du diabète la 7e cause de décès aux USA.

Dépister les sujets asymptomatiques (sans signe ou symptôme d’hyperglycémie ni retentissement chronique) peut conduire à un diagnostic et à la mise en œuvre de traitements plus précoces, avec l’espoir d’une amélioration de l’évolution clinique à long terme. Différentes stratégies de dépistage sont possibles : dépistage de routine ou dépistage ciblé des sujets avec facteurs de risque comme une hypertension artérielle (HTA). En 2008, l’US Preventive Services Task Force (USPSTF) avait préconisé de dépister le diabète chez les sujets asymptomatiques avec élévation permanente de la pression artérielle au-delà de 135/80 mm Hg, traitée ou non traitée (recommandation B) mais elle n’avait pu préciser le rapport bénéfices/ risques du dépistage en l’absence d’HTA (stade I). Elle avait aussi confirmé que des interventions portant sur le mode de vie ou médicamenteuses , en cas de glycémie à jeun élevée (IFG), comprise entre 5,55 et 6,94 mmol/L ou d’altération de la tolérance glucidique (IGT), traduite par une hémoglobine glyquée A1c (HbA1c) entre 5,7 et 6,4 %, étaient associées à un risque plus réduit de progression vers le diabète. En 2015, une actualisation de la précédente revue a été effectuée, portant sur le dépistage du diabète chez les adultes en dehors du diabète gestationnel. Elle a pris pour base les données informatiques de Cochrane Database et de MEDLINE, depuis 2007 jusqu’en Octobre 2014, en y incluant les études pertinentes de la revue de 2008. De façon habituelle, un investigateur a extrait les données des articles sélectionnés (type d’étude, de population, mode de dépistage et d’intervention, durée du suivi, résultats..); un second investigateur a confirmé ces données et 2 autres, de façon indépendante, ont apprécié la qualité des publications.

Pas de réduction de la mortalité globale ni cardiovasculaire, ni liée  au cancer…non plus qu’au diabète

Deux essais randomisés et contrôlés ont quantifié le bénéfice possible du dépistage du DNI2 vs un non dépistage. Il s’agit de l’essai de bonne qualité intitulé ADDITION- Cambridge, qui a inclus 19 226 participants et de l’essai Ely, avec 4 936 sujets. L’âge moyen va de 51 à 58 ans ; 36 à 54 % des participants sont des femmes. Le suivi a dépassé 10 ans. Il apparaît que le dépistage du diabète n’est pas supérieur au non dépistage en ce qui concerne la réduction de la mortalité globale. L’Hazard Ratio (HR) a été calculé à 1,06 (intervalle de confiance, IC, à 95% : 0,90- 1,25) pour ADDITION et à 0,96 (IC : 0,77- 1,20) dans Ely, passant, après ajustement, en limite de significativité : HR : 0,79 (IC : 0,63- 1,00). L’essai ADDITION permet de préciser également que le dépistage ne modifie ni la mortalité cardiovasculaire (HR : 1,02), ni celle liée au cancer (HR : 1,08) ou ni, encore, celle spécifiquement liée au diabète (HR : 1,26). Un travail de qualité moyenne, ayant porté sur un échantillon de 116 participants à ADDITION révéle que l’annonce d’un diagnostic de diabète s’accompagne fréquemment d’une majoration de l’anxiété durant les 6 premières semaines, sans effet apparent à plus long terme.

La plupart des études portant sur les modifications du style de vie ou des interventions médicamenteuses en cas d’IFG ou de IGT ont également été dans l’impossibilité de démontrer un bénéfice sur la mortalité globale ou cardiovasculaire bien qu’un essai à très long terme, rapporte une diminution du risque après 23 ans de suivi . Quatre autres, de bonne qualité et 5 de qualité moyenne détaillent les effets secondaires possibles liés aux différentes interventions, sans, dans l’ensemble, de différences notables. Une publication rapporte toutefois un risque plus important d’arrêt du traitement sous acarbose et une autre un risque accru d’insuffisance cardiaque congestive sous rosiglitazone. Parmi les diabétiques diagnostiqués après dépistage, un travail ne retrouve aucun avantage d’une intervention intensive multifactorielle vs un traitement standard. Dans cet essai, le taux moyen d’HbA1c était de 6,5 % ; un quart des participants étaient tabagiques. L’IMC moyen était  à 31,5 kg/m2 et 6 à 7 % des sujets avaient des antécédents de nécrose myocardique. Le traitement intensif avait pour objectif un taux d’HbA1c inférieur à 7 %, une pression artérielle inférieure à 135/85 mm Hg, un cholestérol total à moins de 4,5 à 5,0 mmol/L.  Après 5 ans de suivi, le HR s’établit, non significativement, à 0,83 (IC : 0,65- 1,05) pour la survenue d’un événement grave cardiovasculaire, à 0,83 (IC : 0,65- 1,05) pour la mortalité globale et à 0,88 (IC : 0,51- 1,51) pour la mortalité spécifique cardio vasculaire. L’incidence des ictus cérébraux (HR : 0,98), des infarctus myocardiques (HR : 0,70) et des gestes de revascularisation coronaire nécessaires (HR : 0,79) est également inchangée sous intervention thérapeutique multi cible. A contrario, une revue parmi les plus importante (28 614 participants, 14 essais), parue dans le British Medical Journal en 2011, rapporte, sous traitement intensif, une diminution du taux des infarctus myocardiques non mortels (HR allant de 0,82 à 0,87). De même, dans un article paru dans Circulation la même année, l’abaissement des chiffres tensionnels a été associé à un moindre risque de mortalité globale (HR : 0,90) ou à celui d’accident vasculaire cérébral (HR : 0,83).

Efficacité des interventions pour empêcher la progression vers un authentique diabète

Seize études, dont 14 contrôlées et randomisées ont examiné le bénéfice potentiel en cas d’IFG ou d’IGT, d’une intervention sur la progression vers un diabète franc. Leur durée était variable, de 6 mois à 6 ans, tout comme leur suivi. Il apparaît que les tentatives de modifications du style de vie (6 études) étaient associées à une diminution du risque de progression vers la maladie diabétique (RR composite à 0,55 ; IC : 0,43- 0,70). Huit autres concernent des interventions médicamenteuses. La prise de thiazolinediones paraît efficace avec un RR mixte à 0,50 (IC : 0,28- 0,92; 3 études). Il en va de même avec la prise d’un inhibiteur de l’alpha glucosidase : RR à 0,64 ; IC : 0,45- 0,90; 4 études) et de l’association metformine faiblement dosée- rosiglitazone mais , à l’inverse, aucun bénéfice n’a pu être décelé avec le natéglinide ou le glimépiride.

Au total, il ressort de 2 essais, dont un focalisé sur des sujets à haut risque de diabète, que le dépistage du DNI2 n’est pas associé, vs un non dépistage, à une diminution du risque de mortalité après un suivi de 10 ans. Les explications peuvent être multiples, dont un suivi insuffisant ou une amélioration globale de la prise en charge du diabète et des facteurs de risque. A l’inverse, les interventions sur le mode de vie ou à l’aide de médicaments semblent plus efficaces pour ralentir la progression en cas d’IGF ou d’IGT avec IMC élevé. Depuis la précédente revue de l’USPSTF, il est apparu qu’une intervention multifactorielle n’était pas, non plus, associée, significativement, à une réduction de la mortalité globale ou cardiovasculaire, malgré une tendance en faveur du traitement intensif multi cible.

Quelques limites sont à signaler. Cette revue n’a retenu que des publications de langue anglaise. Le nombre d’études consacrées au dépistage vs un non dépistage a été très limité. Les différentes minorités ethniques étaient, en règle, sous représentées dans les différents travaux.

Enfin, un suivi à très long terme, au-delà de 10 ans, s’avère nécessaire…En conclusion, le dépistage du diabète n’améliore pas les taux de mortalité après 10 ans de suivi. L’efficacité des traitements, en cas de diabète diagnostiqué par dépistage, reste à préciser. Le traitement de l’IFG ou de l’IGT est associé à un ralentissement de la progression vers une authentique maladie diabétique.

Dr Pierre Margent

Référence
Selph S et coll. : Screening for Type 2 Diabetes Mellitus: a systematic review for the USPSTF. Ann Intern Med., 2015; 162: 765-776.

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