Assisterons-nous à la fermeture de dizaines de services d’urgences dans les mois qui viennent ?

Paris, le mardi 1er septembre 2015 – Carte interactive proposant de découvrir si « votre » service est concerné, interviews des maires des petites villes potentiellement ciblées,  interrogations et commentaires : ce matin, la presse nationale et locale continue à réagir à l’information diffusée hier par le Figaro, concernant la pérennité des petits services d’urgences. Alors qu’a été cet été très médiatisée la fermeture temporaire de moins d’une dizaine de services et/ou de SMUR (et notamment celle de l’hôpital de Valognes), le quotidien a décidé de revenir sur les difficultés de ces petits établissements et sur les réflexions des pouvoirs publics à leur sujet. Le Figaro est notamment revenu sur les préconisations d’un rapport remis par l’ancien directeur général de la Santé, Jean-Yves Grall. Des travaux conduits par ce dernier et dont les conclusions ont été remises fin juillet au ministre de la Santé suggèrent une réorganisation territoriale des urgences, permettant notamment de distinguer différents « niveaux ». Il notait que parallèlement aux services d’urgences disposant d’un plateau technique et de spécialistes et d’antennes de service d’urgence, pourraient se mettre en place des « centres de soins non programmés » (CSNP) ou centres de soins immédiats. Les missions de ces unités labellisées par les Agences régionales de Santé (ARS) pourraient être assurées par des maisons de santé mais aussi, relevait Jean-Yves Grall par « certains services d’urgence à faible activité (˂8 à 10 000 passages par an) ». Ces derniers seraient donc « transformés en CSNP ».

La liste du Figaro

En se basant sur ces données, le Figaro a consulté la base Hospi Diag pour recenser les services d’urgences ne dépassant pas le seuil évoqué par le rapport Grall : 67 unités sont concernées. Il n’en a pas fallu plus au quotidien pour établir une liste des services qui pourraient fermer dans un futur proche. Dans les localités visées, l’inquiétude a été immédiate ; l’existence d’un rapport « officiel » ne faisant que conforter ces doutes, même si le Figaro n’a pas explicitement assuré que sa « liste » figurait dans les conclusions de l’équipe de Jean-Yves Grall.

Le gouvernement tente de gagner du temps, mais la réflexion est néanmoins engagée

Une mise au point semblait cependant nécessaire et elle ne s’est pas faite attendre : hier soir, le ministère de la Santé publiait un communiqué sévère qui précisait : « La liste mentionnée par le Figaro n’émane en aucun cas du ministère chargé de la Santé. Elle ne figure pas davantage dans le rapport remis par Jean-Yves Grall (…). Cette liste, construite par le journaliste, résulte seulement d’une extrapolation et d’une lecture partielle et erronée des conclusions du rapport » indique l’Avenue de Ségur. Sans doute espère-t-on que cette précision permettra de mettre un terme aux inquiétudes des uns et des autres. Néanmoins, s’il est vrai qu’aucune "liste" n’a été présentée, il n’en reste pas moins que les propositions de Jean-Yves Grall ont retenu l’attention du gouvernement. Le ministère de la santé affirmait ainsi le 22 juillet dernier, après avoir reçu le rapport de l’ancien directeur de la santé, qu’un groupe de travail serait « mis en place afin de préciser les modalités de mise en œuvre des recommandations retenues ». Et parmi les préconisations les plus marquantes, le ministère relevait la nécessité d’ « optimiser la prise en charge de la demande de soins non programmés au sein d’un réseau territorial » et de « réunir les médecins urgentistes au sein d’équipes territoriales uniques dans le cadre des futurs Groupements Hospitaliers de Territoire (GHT) ». En clair, l’idée de transformer certains "petits" services d’urgence en CSNP est très loin d’être rejetée et pourrait même au contraire s’imposer. Or, de telles évolutions ne se feront sans doute pas sans heurts et il sera difficile de faire admettre aux populations que l’évolution de leurs unités d’urgence ne vaut pas disparition. Les réactions observées lors de la fermeture des urgences de Valognes, et d’une manière générale à chaque restructuration d’une unité de soins, témoignent de la sensibilité de ce type d’opérations. Chez les professionnels, les réticences pourraient également être marquées. Les GHT sont en effet loin de faire l’unanimité,  la Confédération des syndicats des médecins de France (CSMF) les ayant comparés fin juillet à « des machines infernales à broyer la médecine libérale », tandis que du côté des syndicats généraux ils ne sont guère observés avec enthousiasme. Chez les urgentistes enfin, un mélange de critique et de pragmatisme s’imposera sans doute. Critique car beaucoup estiment que le véritable enjeu n’est pas la fermeture des petits services, mais l’augmentation du nombre de médecins, grâce notamment à une plus grande attractivité de la discipline. Pragmatisme également cependant car un grand nombre de praticiens constatent que pour la bonne marche des services, la fermeture des plus petites unités accueillant le moins de patients est souvent préférable à la mise en danger de plusieurs services pour avoir voulu maintenir coûte que coûte ouvertes toutes les structures, comme en ont témoigné les médecins de Valognes.

 


http://social-sante.gouv.fr/IMG/pdf/2015-07-06_Rapport-Territorialisation_des_Urgences.pdf

Aurélie Haroche

Copyright © http://www.jim.fr

Réagir

Vos réactions (2)

  • Un message d'alerte, enfin

    Le 01 septembre 2015

    Cela aurait l'immense avantage de faire comprendre aux français que cette économie médicale, est en perdition, malgré les beaux discours politiques et décisions prises, qui veulent enfoncer un peu plus le clou de l'étatisation de la médecine et du gratuit; alors que c'est une libéralisation qu'il faudrait.
    Des fermetures d'urgences, seraient le meilleur des messages d'alerte, pour la population, qui n'a pas réalisé et qui ne veut pas le réaliser.

    Dr Christian Trape

  • La santé n'a pas de prix, mais à toujours un prix !

    Le 07 septembre 2015

    D'un autre coté ce n'est peut être pas idiot de fermer des petites structures (grosses consommatrices de moyens humains, pour une activité modeste) proches de plus grands centres.
    Et pour répondre au Dr Trape, liberaliser OK mais il faudrait alors que les praticiens liberaux acceptent de faire, comme autrefois, les "petites" urgences".
    Dr Clavel

Réagir à cet article