
Paris, le mardi 15 septembre 2015 – L’examen du projet de loi de santé est une illustration des étrangetés de nos institutions. Pendant quinze jours, les sénateurs, dont la majorité est opposée au gouvernement, vont étudier un texte et profondément le modifier. Déjà, les travaux de leur commission des affaires sociales ont contribué à largement remanier le projet de loi défendu par Marisol Touraine. Le ministre de la Santé en a parfaitement conscience qui a déclaré hier : « Votre commission des affaires sociales a supprimé ou significativement altéré plusieurs mesures essentielles (…). Au fond c’est la colonne vertébrale de la loi qui a été supprimée. Le corps de la loi s’est amolli, affaissé » a-t-elle déclaré. Mais Marisol Touraine dont la première partie du discours a été une nouvelle fois l’occasion de défendre son bilan, a affiché sa détermination : « je vous proposerai des amendements visant à réintroduire les mesures structurelles du texte qui ont été supprimées par la Commission » a-t-elle annoncé. Néanmoins, une fois encore, le ministre n’est pas dupe et sait que « la probabilité que ces amendements soient adoptés est… relativement faible ». Cependant, tout en affirmant qu’elle « respecte la place du Sénat », elle est convaincue que « la navette parlementaire (passage en commission mixte paritaire, puis retour en dernier lieu devant l’Assemblée en cas d’échec de cette dernière, ndrl) permettra au texte de regagner sa force et ses ambitions d’origine ». Ainsi, le ministre admet frontalement que les quinze prochains jours de débat n’auront aucune utilité, si ce n’est de permettre aux sénateurs de croire qu’ils ont un rôle à jouer (et peut-être auront-ils une influence sur des détails mineurs), avant, qu’à ses yeux, tout rentre dans l’ordre.
Début en douceur
Au-delà de cette présentation presque surréaliste, les sénateurs ont donc entamé leurs travaux, sans pour l’heure d’affrontements majeurs, les débats ayant porté sur des considérations générales. Ils ont ainsi adopté l’article 1er du texte, en l’amendant de différentes manières : « en inscrivant explicitement le handicap dans la politique de santé et en y intégrant la mention de l’activité physique et sportive dans la définition de la politique de santé », précise le Sénat. Les sénateurs ont également voulu insister sur l’importance de « favoriser les actions de proximité et de « prévention partagée », tandis que le caractère essentiel de la santé environnementale a été rappelée. Les sénateurs ont par ailleurs adopté un article additionnel prévoyant la réalisation d’un rapport sur les aidants familiaux. Ils ont également introduit un article insistant sur le rôle de l’Education nationale dans la politique vaccinale. Des modifications consensuelles, qui ont contrasté avec la fin de la discussion, marquée par « la suppression de l’article 2 relatif aux actions de promotion de la santé en milieu scolaire ».
Les débats reprennent aujourd’hui et devraient au fil des jours gagner en intensité, tandis que plus d’un millier d’amendements sont au programme des élus.
Mobilisations tous azimut
Ces discussions, aussi "inutiles" soient-elles, sont l’occasion pour les médecins et professionnels de santé de redonner de la vigueur à leurs manifestations d’opposition. Ainsi, ce week-end a vu défiler quelque trois cent médecins, accompagnés de patients de Chalon-sur-Saône à Château-Chinon. Une cessation d’activité est également prévue à partir du 3 octobre, tandis que depuis hier, les médecins des Bouches-du-Rhône sont appelés à observer une grève du zèle, c'est-à-dire à ne répondre qu’à « un seul motif » lors de chaque consultation. Si, dopés par la perspective des élections professionnelles, les syndicats renforcent leur mobilisation, il n’est pas impossible que celle des médecins, sur le terrain, s’essouffle.
Aurélie Haroche