
Depuis la publication d'un cas dans Klinische Wochenschrift en 1968, on sait que les filovirus peuvent se transmettre par le sperme.
Pour le virus Ebola, lors de l'épidémie de 1995 au Zaïre et lors de celle qui a frappé l'Afrique de l'Ouest ces derniers mois, des examens virologiques avaient déjà montré la possibilité d'une persistance virale dans le sperme après la guérison des patients, mais l'importance épidémiologique de ce phénomène était jusqu'ici mal précisée.
Deux articles qui viennent d'être publiés en ligne sur le site du New England Journal of Medicine apportent quelque lumière sur cette question.
Dans le premier, pour la première fois, S.E. Mate et coll. ont pu démontrer grâce à l'analyse génomique de l'ARN viral, la contamination d'une femme libérienne par le sperme d'un partenaire sexuel qui avait survécu à la maladie (1).
De l'ARN viral dans le sperme des survivants
Dans le deuxième article GF Deen et coll. ont recherché systématiquement par RT-PCR l'ARN du virus Ebola dans le sperme de 93 survivants de l'épidémie en Sierra Leone (2). De façon relativement surprenante les résultats ont été très souvent positifs (dans 9 cas sur 9 lorsque le sperme avait été recueilli dans les 2 à 3 mois suivant le début de la maladie, dans 65 % des cas lorsque les prélèvements avaient été effectués entre le 4e et le 6e mois et dans 26 % des observations si la recherche était pratiquée entre le 7e et le 9e mois).
Que peut-on conclure de ces publications sur la réalité et l'importance du risque de transmission sexuelle du virus Ebola et surtout de sa transmission tardive ?
Il semble tout d'abord que la positivité des recherches d'ARN viral dans le sperme diminue avec le temps écoulé depuis la contamination de même que la quantité de matériel génétique, laissant cependant un quart des sujets toujours positifs 7 à 9 mois après la guérison clinique. Le suivi de cette cohorte permettra de déterminer quelle est la durée maximum de cette positivité et donc de ce risque théorique.
Attendre plus longtemps pour déclarer une épidémie éteinte
Bien que le cas clinique décrit par Mate et coll. démontre que le sperme de ces sujets puisse être infectant, l'infectivité liée à la présence d'ARN viral détectée par les méthodes ultra-sensibles utilisées dans l'étude de Deen et coll. est encore mal évaluée. Des cultures virales sont en cours pour mieux le préciser. De même que des recherches dans les sécrétions vaginales des survivantes.
On peut souligner toutefois une donnée épidémiologique rassurante : alors que l'on dénombre déjà en Afrique de l'Ouest plus de 17 000 survivants de cette épidémie, dont la moitié environ sont des hommes, si l'infectivité du sperme était un phénomène répandu, les cas de contaminations sexuelles possibles se seraient multipliés ces derniers mois, ce qui n'est pas le cas à l'évidence.
Malgré ces incertitudes, ces découvertes récentes doivent conduire à recommander aux survivants l'utilisation de préservatif durant une période encore indéterminée.
De plus, ces nouvelles données ont conduit l'OMS a proposer de modifier les règles de surveillance d'une épidémie d'Ebola en prolongeant de 90 jours la période de 42 jours définie jusqu'ici pour déclarer une localité exempte d'Ebola après la guérison du dernier cas.
Enfin comme le souligne Armand Sprecher de Médecins sans Frontières dans un éditorial, cette mise en évidence de l'ARN viral dans le sperme de survivants ne doit pas conduire à ostraciser encore plus qu'aujourd'hui les anciens malades, ce qui serait à la fois contraire au droit de l'homme et contreproductif puisque cela pourrait les conduire à dissimuler leur état (3).
Dr Céline Dupin