
Les anti-épileptiques et les antidépresseurs tricycliques sont indiqués pour soulager la douleur neuropathique. Sont-ils souvent prescrits dans la sclérose en plaques sachant qu'ils sont aussi parmi les molécules exposant le plus au risque d'interactions médicamenteuses?
La réponse dans cette étude norvégienne qui se signale par le nombre important de patients inclus…
Dans une récente méta-analyse incluant des patients avec une sclérose en plaques (SEP), la prévalence de douleurs neuropathiques est de l'ordre de 63 %. Le traitement comporte classiquement des antiépileptiques (carbamazépine, gabapentine, prégabaline) et des antidépresseurs tricycliques avec l'amitriptyline recommandée et fréquemment utilisée dans cette indication. Deux problèmes se posent : ces deux classes médicamenteuses sont à l'origine d'effets secondaires importants, spécialement lorsque le traitement est de longue durée et elles sont parmi les plus susceptibles d'interagir avec d'autres médicaments. L'habitude est aussi d'associer 2 molécules de classes différentes mais avec quelles conséquences?
Des prescriptions un peu anarchiques
Cette étude rétrospective a examiné les habitudes de prescription dans une cohorte de patients norvégiens en réhabilitation pour leur SEP entre 2009 et 2012. Sur un total de 1 090 patients, 31 % de ceux-ci (âge moyen de 53 ± 10 ans et un score EDSS de 4,8 ± 1,7), reçoivent au moins un antiépileptique (gabapentine: 12,7 %, prégabaline : 7,7 %, clonazépam : 7,8 %, carbamazépine : 2,6 %) ou un antidépresseur qui est l'amitriptyline dans 9,7 % des cas. A noter que les doses administrées sont éminemment variables entre patients avec des écarts de 1 à 18 pour la gabapentine, 1 à 12 pour la prégabaline et le clonazépam.
De façon générale, les patients sont polymédiqués avec une moyenne de 5 médicaments par patient dont plus de la moitié prennent encore d'autres agents actifs sur le SNC (SSRI, opioïdes …). En plus des médicaments administrés pour la douleur neuropathique, d'autres molécules sont prescrites pour traiter des co-morbidités telles que des troubles de l'humeur, des troubles bipolaires, des migraines, etc. Un tiers des patients utilisant les antiépileptiques et/ou l'amitriptiline ont 60 ans et plus ; dans ce sous-groupe, les doses sont réduites de 19 % par rapport à celles prescrites à des patients plus jeunes, notamment pour la gabapentine mais aussi pour la prégabaline. Le nombre de médicaments et la classe choisie sont sans relation avec l'âge, le sexe et le score EDSS (Expanded Disability Status Scale), si l'on compare des patients utilisant ces produits et ceux ne les utilisant pas.
Pour les auteurs, la haute prévalence de la polymédication et l'usage intensif de drogues actives contre le système nerveux central doivent attirer l'attention du clinicien sur les risques d'interactions médicamenteuses et d'effets secondaires.
Dr Claude Biéva