13 novembre : une gestion des secours qui aurait pu être encore meilleure ?

Paris, le mardi 1er mars 2016 – L’audition hier du médecin général des armées, Jean-Marc Debonne, du patron de l’Assistance publique des hôpitaux de Paris (AP-HP), Martin Hirsch et du médecin chef du Samu de Paris, Pierre Carli par la commission d’enquête de l’Assemblée nationale sur la lutte anti terroriste a été une nouvelle fois l’occasion de saluer l’efficacité des secours et des soins le vendredi 13 novembre alors que Paris était la cible d’attaques sans précédent. « Jamais non n’avons été saturés » a ainsi tonné Jean-Marc Debonne, ajoutant encore « jamais il n’y a eu un afflux non régulé d’ambulances ». Pour ce dernier, l’action des services le 13 novembre a mis en évidence que les secours auraient été capables de faire face à une situation plus difficile encore. Même observation du côté de Martin Hirsch : « Une centaine d’urgences absolues a été prise en charge en plus de centaines de blessés, sans que nos chirurgiens aient l’impression de faire de la chirurgie dégradée » a-t-il analysé, soulignant que le même soir à La Pitié Salpêtrière une greffe de rein et une greffe cardiaque étaient réalisées.

Pas plus de communication entre le Samu et les pompiers qu’habituellement

Le professionnalisme, le dévouement et l’efficacité des services de secours et des établissements de santé ont ainsi été loués quasiment sans bémol depuis trois mois. Il est à cet égard remarquable que sur l’ensemble des blessés reçus ce soir là, un seul ait succombé après son hospitalisation. Les interventions réalisées ont par ailleurs dans un grand nombre de cas permis de limiter les séquelles, même si certaines étaient inévitables.

Cependant, certains regrettent une tendance peut-être trop marquée à l’auto-satisfaction qui empêche d’entendre quelques bémols, qui permettraient pourtant  des améliorations salutaires. Il apparaît notamment que cette nuit là encore, le conflit ancestral qui oppose les pompiers et le Samu n’a pas été dépassé. Les déclarations du général Boutinaud, chef de la brigade des sapeurs pompiers de Paris le laissent deviner : « Le SAMU n’a pas la même réactivité pour faire monter en puissance son centre d’appels, si bien qu’il lui fut plus difficile de se coordonner rapidement avec nous dans la soirée du 13 novembre » a-t-il déclaré devant les députés. Du côté, du Samu, dans un rapport paru dans les Annales françaises de médecine d’urgence, cité par Mediapart et dont le ton prend ses distances avec le discours officiel, on concède : « La gestion des communications avec les autres services, préfecture de police et état major de la brigade des sapeurs pompiers de Paris, reste complexe ». Au-delà des défauts de communication et du manque d’interopérabilité (le Samu ne sait pas encore utiliser le système radio commun avec les pompiers), le Samu a vu le 13 novembre son système informatique et ses lignes téléphoniques rapidement saturés, obligeant un retour aux « tableaux blancs et à une carte de situation murale » et conduisant à l’utilisation des téléphones personnels.

Identification des victimes : un manque d’interopérabilité regrettable

Autre bémol dans la gestion des victimes : leur identification n’a pas toujours été optimale. Le ministre de la Santé l’a à demi-mots reconnu le 20 janvier lors de son retour d’expérience sur les attentats : « Même si l’enregistrement des victimes a été assez remarquable compte tenu du caractère inédit de cette tragédie, nous devons mieux identifier les données utiles » a plaidé Marisol Touraine. Les représentants des victimes expriment ce souci plus directement. Père d’une jeune femme morte au Bataclan, Georges Salines a évoqué devant les députés une « atroce impréparation » des structures chargées de l’identification et de l’information. A Mediapart, il regrette la multiplication des discours « apologétiques, autosatisfaits ». L’identification des victimes aurait-elle pu être plus satisfaisante ? Martin Hirsch affirme à l’Assemblée que certains délais sont « incompressibles ». Mais Mediapart remarque une fois encore que le système d’identification utilisé quotidiennement par les pompiers, les bracelets Sinus,  n’est pas utilisé par le Samu et les hôpitaux qui ne disposent pas du matériel nécessaire à la lecture des codes barres. Il semble que le « système d’information unique et commun » souhaité par Marisol Touraine aurait pu être mis en place avant cette barbarie. Enfin, certains jugent que les attentats devraient rouvrir la réflexion sur la stratégie des urgences médicales, qui consiste en France à assurer la stabilisation avant le transport des patients.

Le docteur Michel Bonnot, qui est intervenu sur les lieux de deux tueries le 13 novembre (en tant qu’habitant du quartier) juge que les conditions de prise en charge (avec l’envoi de camions pas toujours équipés suffisamment) imposent une telle réflexion.

Aurélie Haroche

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