Super secrétaires : peut-être pas une super idée !

Paris, le samedi 23 avril 2016 – Lors de la séance du 13 avril des négociations conventionnelles, l’Assurance maladie a présenté un nouveau dispositif visant à faciliter l’embauche de secrétaires par les médecins travaillant au sein de cabinets de groupe. Cette aide ne pourrait cependant être déployée qu’à la condition que les nouvelles secrétaires ne se contentent pas de prendre les rendez-vous mais puissent également assurer la "gestion" des cas complexes. Dans un exemple cité par les Echos qui avait révélé cette proposition de l’UNCAM, il s’agissait d’aider les patients à organiser l’intervention d’une aide à domicile, de professionnels de santé paramédicaux et même de trouver une aide ménagère.

Infantilisation

Si cette préconisation répond à une préoccupation majeure des professionnels de santé, dont nombre se disent harassés par les tâches administratives, les syndicats se sont montrés dubitatifs sur la mise en œuvre de la mesure et sur les conditions avancées par la CNAM. Sur les blogs également, l’idée n’a pas nécessairement enthousiasmé. Ainsi, sur le blog Systémique médicale, le docteur François-Marie Michaut estime que « les attributions des praticiens [sont] une fois de plus rognées sur l’autel d’une prétendue amélioration des soins, ne prenant en compte que leurs aspects techniques et financiers ». Il estime encore que cette attitude de la CNAM procède d’une certaine infantilisation des praticiens. « Si on veut vraiment aider les médecins à soigner le mieux possible les gens qui ont besoin d’eux, la première chose à faire est de les traiter comme des adultes responsables, capables (…) de pouvoir organiser comme ils le souhaitent leur façon d’exercer leur métier » considère le praticien dans sa courte note.

Malheureux, ceux qui veulent rester seuls

Les médecins ne sont pas les seuls à ne pas nécessairement apprécier cette apparente bonne intention. Sur le blog La seringue atomique , l’infirmière Corinne Régulaire, montre tout d’abord quelques réticences face à cette prime à l’exercice en groupe. Alors que l’Assurance maladie a elle-même souligné que l’embauche d’une secrétaire était d’autant plus neutre financièrement que le nombre de praticiens au sein du cabinet était élevé, on peut effectivement s’interroger sur le caractère quelque peu paradoxal de les soutenir prioritairement. Citant l’article des Echos qui indiquait que l’UNCAM « souhaite valoriser la création de structures de coordination au sein des cabinets libéraux ou bien entre plusieurs cabinets », l’infirmière observe : « On ne peut que s'interroger sur la notion de coordination. Ce type d'organisation se rapproche-t-elle des maisons de santé et autres maisons pluridisciplinaires ? Est-ce une autre trouvaille tirée de leur chapeau ? L'exercice libéral isolé est-il voué à disparaître ? Que met-on dans le mot "coordination" ? ».

Super secrétaires, pauvres infirmières ?

Mais au-delà de cette remarque qui concerne tant le jargon utilisé par la CNAM que cette apparente marginalisation de l’exercice libéral isolé, Corinne Régulaire remarque que les tâches qui seraient attribuées aux "super secrétaires" correspondent à celles qui « sont exécutées chaque jour par tous les infirmiers libéraux de l’Hexagone depuis toujours ». Dans ce « transfert » implicite, l’infirmière paraît y voir l’avortement des « infirmières en pratique avancée », dont la naissance a pourtant été annoncée par la loi de Santé. Elle ne se montre guère étonnée, observant que « les généralistes sont pour le moment, quelque peu réticents à l’idée qu’une partie de leur clientèle et donc de leurs revenus aille vers les professions paramédicales ». Aussi, selon elle, pourraient-ils préférer l’embauche de super secrétaires salariées et donc subordonnées. Ainsi, on le voit, derrière une mesure en apparence anodine, voire destinée à amadouer les médecins soumis à tant de vexations ces derniers mois, les super secrétaires n’apparaissent pas à tous comme une super idée.

Pour lire les réflexions de François-Marie Michaud : http://effet-mem.blogspot.fr/2016/04/des-assistants-medicaux.html
Et celles de Corinne Régulaire : http://laseringueatomik.canalblog.com/

Aurélie Haroche

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Vos réactions (3)

  • Le machisme ordinaire a encore frappé...

    Le 23 avril 2016

    Les médecins sont de sexe non précisé, on en parle avec le masculin de rigueur, on rapporte les propos d'un médecin homme. Les infirmier(e)s sont clairement des femmes, on interroge UNE infirmière, et les secrétaires sont clairement des femmes de manière exclusive, mais de toute façon tellement insignifiantes qu'on ne leur laisse même pas la parole. Faudrait peut être commencer à évoluer...

    Jean-François Pion

  • PRADO délocalisé

    Le 23 avril 2016

    Ce programme ressemble étrangement au PRADO (programme de retour à domicile) mis en place par l'assurance maladie pour accélérer et aménager le retour à domicile en obstétrique, insuffisance cardiaque, plaies chroniques.... Mais en délégant cette démarche aux libéraux.

    Jacques Girard

  • Créons des emplois

    Le 23 avril 2016

    Notre système éducatif a fabriqué trop de bureaucrates, il reste maintenant à leur créer du travail, par exemple en forçant la main des professions libérales.

    Dr Jean-Marie Malby

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