
Paris, le jeudi 12 mai 2016 – S’il n’y avait eu les préparatifs de la journée internationale de l’infirmière, qui se tient ce 12 mai, l’après-midi d’hier aurait été bien rude pour les conseillers de l’Ordre national infirmier. L’Autorité de la concurrence a en effet publié un avis très sévère sur son projet de code de déontologie.
Arlésienne
L’établissement d’un code de déontologie est très souvent avancé par les membres de l’Ordre national infirmier pour affirmer sa légitimité, alors que celle-ci est encore si fréquemment contestée. Pourtant, ses détracteurs pourraient trouver sur ce point également des motifs de raillerie. En effet la publication de ce document relève d’une véritable arlésienne. L’avant projet de ce code remonte au 8 décembre 2009. Et depuis cette date, les embûches se sont multipliées. D’abord, l’absence de consultation des syndicats d’infirmiers avant l’adoption de la version définitive du code a fait jaser. Par ailleurs, le défaut de prise en considération des remarques faites par le passé par l’Autorité de la concurrence vis-à-vis des codes de déontologie d’autres professions médicales a inquiété. Des sourcillements qui sont demeurés en suspens pendant cinq ans : les problèmes financiers, les difficultés de l’Ordre à recueillir les adhésions des infirmières et infirmiers et les dysfonctionnements multiples ont en effet renvoyé à plus tard l’adoption du code. Quelque peu (mais pas parfaitement) redressé, l’Ordre est remonté au créneau en 2013 en accusant le ministère de la Santé d’avoir failli à la publication du texte. Le Conseil d’Etat donna raison à l’institution et condamna en 2015 l’Etat à l’édiction rapide du code, sous peine de sanctions financières (!). Il fallait donc se remettre au travail et un projet de décret est en cours d’élaboration. Cependant, si l’avis émis par le Haut conseil des professions paramédicales a été positif, celui rendu public par l’Autorité de la concurrence est pour le moins sévère.
Copier collé conservateur
« Les rédacteurs du projet de code de déontologie ont beaucoup trop procédé par reproduction pure et simple des dispositions contenues dans d’autres codes de professions de santé, en retenant souvent les formules les plus restrictives sinon parfois les plus archaïques, de chacun d’entre eux », assène ainsi l’Autorité en conclusion d’un rapport de 28 pages. Ce code de déontologie proposé ne s’adapterait nullement aux évolutions de la profession et entraverait la liberté des professionnelles, notamment en libéral (où l’on trouve pourtant les rares soutiens à l’Ordre !), juge encore l’avis.
Souplesse requise
Aussi, l’Autorité presse-t-elle l’Ordre de revoir sa copie sur de nombreux points. Elle l’enjoint notamment de permettre aux infirmières de communiquer sur leur spécialité, par exemple sur internet. « Cette information permet au patient d’optimiser son choix » plaide l’Autorité de la concurrence. La possibilité d’ouvrir un second cabinet doit également être assouplie : l’Ordre souhaitait la soumettre à son autorisation. Pour l’Autorité de la concurrence, les règles prévues par la Convention pour éviter les disparités territoriales suffisent. De même, l’avis estime qu’interdire à un infirmer de s’installer « à proximité immédiate du cabinet où exerce un confrère sauf à obtenir son accord ou celui du conseil département de l’Ordre » est « trop restrictive ». L’Autorité de la concurrence estime encore qu’il ne faut pas limiter à deux personnes le nombre de collaborateurs dans un cabinet et appelle à ne pas mettre d’obstacle total au salariat.
L’Ordre feint la satisfaction
Ne relevant pas la sévérité des commentaires de l’Autorité, l’Ordre préfère constater avec satisfaction que le rapport est en faveur d'une régularisation des inscriptions à son bureau. Il affirme encore se féliciter que ses « arguments » aient été entendus et assure tenir compte des remarques de l’Autorité de la concurrence. Si l’instance ordinale paraît donc refuser de répondre directement aux critiques, ces dernières devraient très certainement être commentées par les opposants historiques à cette institution.
Au premier rang desquels, éventuellement, le ministre de la Santé.
Aurélie Haroche