
Boston, le mardi 17 mai 2016 – Le Massachussetts General Hospital a annoncé ce week-end avoir réalisé la première greffe de pénis américaine. Le patient, Thomas Manning, est originaire d’Halifax dans le Massachussetts et est âgé de 64 ans. En 2012, il est victime d’un accident sur son lieu de travail : de lourds équipements chutent sur lui. Au cours des soins qui lui sont prodigués, l’équipe médicale découvre une lésion sur son pénis. Un cancer du pénis est alors diagnostiqué (quelques 2 030 cas sont recensés chaque année aux Etats-Unis). Sans cette mise en évidence fortuite, Thomas Manning serait probablement mort en quelques mois.
L’intervention qu’il subit, une pénectomie partielle va lui sauver la vie et tout en même temps le conduire à un très grand isolement. L’homme qui ne peut plus uriner qu’assis est surtout privé de toute activité sexuelle. « Il est très difficile de dire à une femme que vous avez été amputé du pénis », résume Thomas Manning, dans une interview accordée au New York Times. Avant même la fin de sa prise en charge oncologique, le banquier fondait l’espoir en une possible greffe. Cependant, à l’époque, son praticien, le Docteur Adam. S. Feldman n’a pas connaissance de programme dans ce domaine.
Visage découvert
Pourtant, déjà, les équipes du Massachussetts General Hospital débutaient des essais chirurgicaux sur des cadavres et des expérimentations de transplantation. Après trois ans et demi d’essai, elles bénéficièrent finalement d’une autorisation pour réaliser des greffes de pénis. Thomas Manning fut le premier inscrit sur la liste. Quinze jours plus tard, à sa plus grande surprise, il recevait le coup de téléphone de l’établissement pour lui indiquer de se préparer à l’intervention. Cette dernière nécessita la présence d’une quarantaine de personnes dont douze chirurgiens et se déroula pendant quinze heures. Ce sont les docteurs Dicken Ko et le docteur Curtis L. Cetrulo qui ont conduit cette intervention qui nécessite une chirurgie de précision pour établir de multiples anastomoses. Si l’intervention semblait initialement un succès, rapidement, Thomas Manning doit être de nouveau transféré au bloc opératoire en raison d’une hémorragie importante. Mais aujourd’hui, une semaine après l’intervention, le patient se porte bien et les saignements sont désormais parfaitement contrôlés. Tout en étant conscient des risques de rejet, Dicken Ko et Curtis L. Cetrulo se montrent « raisonnablement optimistes » sur les chances de Thomas Manning de pouvoir recouvrir une fonction urinaire satisfaisante dans quelques semaines et une activité sexuelle dans quelques mois. Thomas Manning, qui a souhaité témoigner à visage découvert quand plusieurs de ses proches le lui déconseillaient afin de transmettre un message d’espoir à toutes les personnes concernées, sait que « les choses pourraient ne pas marcher. Les médecins n’ont rien promis. Mais c’était le jeu » a-t-il confié au New York Times.
Civils vs militaires
Le Massachussetts General Hospital ne devrait pas s’arrêter là. En haut de la liste d'attente, figure en effet désormais un patient dont le sexe a été grièvement brûlé. La réalisation de cette intervention est suspendue à l’acceptation des familles des donneurs. Un hommage appuyé a d’ailleurs été rendu aux proches ayant accepté que soit prélevé le pénis de leur parent. Le prélèvement du pénis fait l’objet d’une demande d’autorisation annexe, séparée de celle concernant les organes vitaux : la New England Organ Bank assure que cette évolution n’a pas entraîné une progression générale des refus. Travaillant de concert avec la New England Organ Bank, les médecins de Boston se concentrent aujourd’hui prioritairement sur des patients civils et poursuivent parallèlement des travaux sur l’allègement du traitement anti-rejet. Leur perspective est quelque peu différente de celle des médecins du centre hospitalier universitaire Johns Hopkins à Baltimore, qui ont également obtenu en décembre dernier l’autorisation de lancer un programme de greffe de pénis. Ces derniers avaient indiqué qu’ils souhaitaient porter leur attention sur les victimes militaires : 1 367 soldats américains ont ainsi été blessés entre 2001 et 2013. Il s’agit de sujets souvent jeunes chez lesquels cette amputation entraîne des répercussions psychiques très graves, menaçant parfois la vie. Cependant, ce projet pourrait être freiné par les réticences du ministère de la Défense américain qui a récemment redouté que les vétérans, qui avaient déjà tant sacrifié, ne soient utilisés comme des "cobayes". Rappelons que jusqu’alors dans le monde une seule greffe de pénis s’est révélée un succès : réalisée en 2014 en Afrique du Sud chez un patient victime d’un accident lors d’une circoncision, elle a permis à l’opéré de pouvoir devenir père naturellement un an plus tard.
Aurélie Haroche