
Paris, le mercredi 6 juillet 2016 – Après le fiasco du dossier médical personnel (DMP) dont l’idée avait été lancée par Philippe Douste-Blazy, le ministre de la Santé, Marisol Touraine avait manifesté sa volonté de faire renaitre cet outil. Le travail a cependant été réalisé dans la discrétion. Ainsi, bien que cette possibilité soit ouverte depuis deux ans et que plusieurs expérimentations ont été conduites dans diverses régions, seuls 584 532 DMP ont été ouverts à ce jour et ils sont encore moins nombreux à être correctement alimentés.
Ouverture du dossier par le patient ou le praticien
Cependant, dans le cadre de la loi de santé, le gouvernement souhaite aujourd’hui donner un nouvel élan au DMP, qui de "personnel" devient désormais "partagé" (sans changer de dénomination !). Ainsi, le décret publié aujourd’hui au Journal officiel revient sur le fonctionnement de ce dispositif.
Sa gestion est tout d’abord confiée officiellement à l’Assurance maladie. Le DMP est présenté comme un outil « destiné à favorisé la prévention, la qualité, la continuité et la prise en charge coordonnée des soins des patients ». L’ouverture peut se faire par le patient lui-même ou par un professionnel de santé après recueil du consentement du titulaire : ce point est important, alors que certains témoignages avaient mis en évidence que cette condition n’était pas toujours systématiquement respectée dans le cadre de la création des dossiers pharmaceutiques.
Doublon ?
Les informations qui peuvent être conservées au sein du DMP, enregistrées soit par le patient lui-même soit par les professionnels de santé sont multiples. Outre les données concernant l’identité du patient et ses coordonnées, peuvent y figurer « l’état des vaccinations, les synthèses médicales, les lettres de liaison (…), les comptes rendus de biologie médicale, d’examens d’imagerie médicale, d’actes diagnostiques et thérapeutiques et les traitements prescrits ». Des éléments destinés à faciliter la coordination des soins seront également intégrés. Pourront aussi être précisées les « directives anticipées » du patient, et sa position sur le don d’organes. Est-ce à dire que le malade devra indiquer s’il connaît la loi concernant le prélèvement et la greffe, ce qui suppose qu’il sait que son contentement est présumé (système qui était auparavant la règle) ou pourra-t-il clairement indiquer s’il est ou non donneur, auquel cas il s’agira d’une nouvelle façon d’exprimer potentiellement son refus ? On relèvera par ailleurs que bien qu’ayant vocation à être exhaustif, le DMP ne remplacera pas les dossiers tenus par les médecins et les établissements de santé.
Filtrage des informations
Outre ces précisions concernant l’ouverture et le contenu du DMP, le décret revient sur l’accès au dossier. D’un point de vue technique, c’est l’Assurance maladie qui gérera les interfaces, via le compte Ameli pour les patients ce qui permettra l’intégration des données de remboursement au sein du DMP. Pour les praticiens, les "logiciels métiers" permettront de se connecter directement au DMP. Concernant la possibilité de consultation du dossier, une liste des professionnels autorisés à accéder au dossier, qui pourra être réactualisée, devra être présente dans le dossier. Les praticiens auront alors tout loisir de verser toutes les informations qu’ils jugent nécessaire dans le dossier, sauf opposition du patient s’appuyant sur un « motif légitime ». Cependant, le titulaire aura la possibilité de restreindre l’accès à différentes données à certains professionnels seulement. De leur côté les professionnels pourront dans certains cas considérer qu’une information ne peut être portée à la connaissance du patient « sans accompagnement » : une consultation d’annonce devra alors être organisée avant un mois afin que le diagnostic soit expliqué. Passé ce délai, l’information sera alors accessible sans filtre. Le titulaire du DMP est par ailleurs informé que dans les situations d’urgence, le dossier sera accessible aux équipes le prenant en charge, sauf refus précisé antérieurement. Dans le cas d’une prise en charge (non urgente) par une équipe de soins, le consentement donné à un membre de cette dernière sera réputé concerner l’ensemble des professionnels de l'équipe. Enfin, un « historique » retracera l’ensemble des interventions réalisées sur le dossier.
Incertitudes
Le but des pouvoirs publics, qui a déjà dépensé d’importantes sommes dans ce projet (500 millions d’euros pour 500 milles dossiers !) est de voir tous les Français "bénéficier" d’un DMP à l’horizon 2018. Cet objectif pourrait être difficile à atteindre. D’abord parce que certaines fonctionnalités ne sont pas encore disponibles : dans la version actuelle, les patients ne peuvent par exemple pas créer eux-mêmes le dossier. Ensuite, parce qu’à l’heure où la surcharge administrative représente le premier motif de mécontentement des médecins et alors que l’informatisation est déjà un défi pour certains d’entre eux, il n’est pas sûr que beaucoup acceptent d’accompagner leurs patients dans cette aventure. Ensuite, il faudrait offrir une plus large visibilité à un dispositif qui pour l’heure semble assez massivement ignoré, comme en témoigne le faible nombre de DMP ouverts pour l’heure.
S’il fonctionnait, ce dispositif pourrait cependant être un véritable oubli d’amélioration des soins et de maîtrise de certaines prescriptions inutiles. Cependant, la question de la sécurité des données restera un point crucial, dont est aujourd’hui responsable l’Assurance maladie.
Aurélie Haroche