
Entre le 5 et le 9 décembre 1952, des conditions météorologiques « favorables » ont conduit au pire épisode de pollution atmosphérique du Royaume Uni : le « Grand Smog » de Londres a alors bouleversé le cours des recherches sur la pollution de l’air et les politiques environnementales. Ce tristement fameux brouillard a été responsable de 4 000 décès au cours des semaines suivant l’exposition. Aujourd’hui, des investigateurs s’intéressent aux conséquences respiratoires à long terme de cette pollution de l'air extrême : leur objectif est de déterminer si l’exposition in utero ou peu après la naissance est susceptible de favoriser le développement d’un asthme.
Ils ont comparé la prévalence de l'asthme chez les sujets exposés au Grand Smog in utero ou au cours de la première année de vie avec celle constatée pour ceux nés bien avant ou bien après cette période, ainsi que pour leurs contemporains, mais résidant en dehors de la zone touchée. Ce travail repose sur un échantillon représentatif de sujets de la population anglaise, âgés de 50 ans, participant à une étude visant à recueillir des données longitudinales relatives à la santé et au statut économique et social. Les données exploitées ici ont été recueillies lors de la 3e vague (en 2007) de questionnaires adressés par courrier.
La prévalence de l'asthme auto-déclaré pendant l'enfance (0-15 ans) et à l'âge adulte (> 15 ans) a été analysée pour les 2 916 répondants.
Vingt pour cent d’asthmatiques dans l’enfance parmi ceux qui sont nés à Londres en 1952-53
L'exposition au Grand Smog durant la première année de vie augmente significativement la probabilité d’asthme dans l’enfance de 19,9 % (intervalle de confiance à 95 % [IC 95] de 3,4 à 36,4 %). Pour les enfants nés à Londres à l'époque du Grand Smog, la prévalence de l’asthme infantile atteint près de 20 % alors que ce taux ne dépasse jamais 11 % parmi toute les autres cohortes (les participants nés durant la même période mais en dehors de la région londonienne ou ceux nés à Londres avant ou après 1952-1953).
Concernant l’asthme à l’âge adulte, les résultats suggèrent aux auteurs que l'exposition à la pollution constitue un facteur de risque, mais sans preuve statistique : l’augmentation de la probabilité de l'asthme à l’âge adulte est de 9,5 % ( IC 95 % de – 4,9 à 23,9 %) pour les expositions durant la première année de vie et de 7,9 % (IC 95 % de -2,4 à 18,2 %) en cas d’exposition in utero.
Cette malheureuse expérience grandeur nature que fut le Grand smog continue donc à être riche d’enseignements : l’exposition in utero ou dans la première année de vie à la pollution contribue au développement de l'asthme.
Dr Béatrice Jourdain