
Paris, le mercredi 27 juillet 2016 – La naloxone s’est imposée depuis plusieurs années comme un traitement essentiel des overdoses d’opiacés. Cependant, en France, la naloxone injectable n’est utilisée que dans un strict cadre médical. D’autres pays ont choisi d’élargir l’accès à ce traitement, en proposant notamment des "kits" contenant une dose de naloxone injectable aux toxicomanes. C’est le cas par exemple dans certains états des Etats-Unis, en Espagne (notamment à Barcelone) ou au Danemark. La facilité d’accès à ce produit aux Etats-Unis a d’ailleurs récemment atteint un nouveau pallier avec l’annonce faite par une chaîne de pharmacie au Texas de sa volonté de distribuer le traitement sans ordonnance. L’arrivée sur le marché d’un spray nasal de naloxone Nalscue doit contribuer à favoriser cette tendance.
Prescription contrôlée, délivrance mesurée
En France, sous l’impulsion notamment de la mise au point de ce spray nasal et de l’invitation lancée en 2014 par l’Organisation mondiale de la Santé (OMS) à agir dans ce sens, une réflexion s’est engagée il y a plusieurs mois autour de l’élargissement de l’accès à la naloxone.
Le groupe Traitements et Réduction des Risques en Addictologie (T2RA) mis en place par la Direction générale de la Santé (DGS) et présidé par le docteur William Lowenstein s’est ainsi penché sur le sujet. Ses conclusions incitent aujourd’hui l’Agence nationale de sécurité du médicament (ANSM) à octroyer une Autorisation temporaire d’utilisation (ATU) à Nalscue. Le traitement, pourra donc être prescrit à toute personne « présentant un risque de surdosage aux opioïdes », par « les médecins exerçant en Centres de soins, d’accompagnement et de prévention en addictologie (CSAPA), en service d’addictologie à l’hôpital, en service des urgences, dans tout autre service bénéficiant de l’intervention d’une équipe de liaison et de soins en addictologie (ELSA) et en unité sanitaire en milieu pénitentiaire ». La délivrance sera réservée aux pharmacies à usage intérieur (PUI).
Formation nécessaire
L’ANSM insiste encore sur le fait que Nascue (seule spécialité à base de naloxone disponible en France pour un usage en dehors du cadre médical) ne peut se substituer aux soins d’urgence. Son utilisation, dans le cadre de l’ATU de cohorte nécessite une formation « sur la conduite à tenir devant une surdose aux opioïdes et sur les modalités d’utilisation de Nalscue ». Les patients devront également porter sur eux une carte indiquant qu’ils sont inclus dans une « ATU de cohorte » et rappelant les indications et l’utilisation du traitement. L’importance de ces modalités et surtout de la formation a été mise en évidence par plusieurs études qui ont souligné combien l’éducation permettait d’optimiser les bons résultats obtenus grâce à la naloxone.
Sauver des vies
Les strictes précautions imposées par l’ANSM sont éloignées de la libéralisation américaine et pourraient empêcher la naloxone de connaître la pleine efficacité observée dans d’autres pays. La prudence est néanmoins de mise face à une population particulièrement "fragile". Idéologiquement, la question est également délicate. Certains aux Etats-Unis se sont ainsi opposés à la diffusion trop large d’un traitement pouvant induire la fausse idée d’une absence de risques. Mais les spécialistes de l’addiction rappellent que les toxicomanes acceptent pour la plupart l’idée de mettre leur vie en danger et jugent au contraire que la naloxone peut permettre d’entraîner des patients sur la voie du sevrage. Les études suggèrent en effet qu’après une overdose, 10 à 20 % des toxicomanes connaissent une prise de conscience qui les incite à entrer dans une démarche de soins.
Pour l’heure, les associations de lutte contre les addictions qui militaient depuis plusieurs mois pour l’arrivée de ce produit en France se félicitent de cette décision. Il s’agit ainsi aux yeux du patron de SOS Addictions, William Lowenstein d’ « Une bonne nouvelle pour sauver des vies dans cette période qui s’acharne à les massacrer » a-t-il écrit au journaliste Jean-Yves Nau.
Aurélie Haroche