
L’incidence du cancer différencié de la thyroïde augmente depuis plusieurs décennies, au point que vers 2030 il pourrait devenir le 4ème diagnostic de cancer en ordre de fréquence. Cela est en grande partie la conséquenced’une augmentation des diagnostics de cancers de petite taille, à faible risque. Ces derniers sont associés à une excellente survie à long terme : la survie spécifique à 10 ans d’un patient atteint d’un cancer thyroïdien à bas risque avoisine les 100 %. Malgré cet excellent pronostic, différents travaux montrent une augmentation des prescriptions d’imagerie après le traitement d’un cancer thyroïdien. La crainte d’une récurrence est sans doute à l’origine de ces prescriptions, récurrence, qui, selon les études survient dans 1 % à 68 % des cas. Le traitement de ces rechutes n’est toutefois pas sans risque et pour le moment, la relation entre la répétition des examens d’imagerie, le traitement des récurrences et la survie reste incertaine.
Une équipe états-unienne a réalisé une étude de cohorte, incluant près de 30 mille personnes chez lesquels avait été porté un diagnostic de cancer différencié de la thyroïde entre 1998 et 2011. L’étude s’est poursuivie jusqu’en 2013, soit un suivi médian de 69 mois.
Entre 1998 et 2011, l’incidence des cancers thyroïdien a augmenté en effet de 0,5 % (rate ratio RR 1,05 ; intervalle de confiance à 95 % IC 1,05 à 1,06), tandis que le taux de recours à l’imagerie après un premier traitement s’est accru de 13 % (1,13 ; 1,12 à 1,13) et celui des traitements pour récurrence de 0,1 % (1,01 ; 1,01 à 1,02). En revanche, le taux dedécès par cancer thyroïdien est resté stable.
Plus de traitements secondaires après imagerie…
L’augmentation de l’utilisation de l’imagerie après un premier cancer conduit-il à davantage de traitements secondaires ? C’est le cas en effet avec l’échographie cervicale, dont l’emploi est associé à une augmentation significative du risque de chirurgie complémentaire (Odds ratio OR 2,30 ; IC 2,05 à 2,58) et de traitement par iode radioactif (OR 1,45 ; IC 1,26 à 1,69). C’est le cas aussi de l’utilisation du scanner avec injection de produit de contraste qui s’accompagne d’un risque accru de chirurgie (3,39 ; 3,06 à 3,76), de traitement à l’iode radioactif (17,83 ; 14,49 à 22,16) et de radiothérapie (1,89 ; 1,71 à 2,10). Enfin le recours au PET scan est associé à une augmentation de réalisations de chirurgie complémentaire (2,31 ; 2,09 à 2,55), des traitements par iode radioactif (2,13 ; 1,89 à 2,40) et de la radiothérapie (4,98 ; 4,52 à 5,49).
Mais l’amélioration de la survie n’est pas au rendez-vous
Mais force est de constater que malgré cela, la pratique d’ échographies cervicales et de PET scan au cours du suivi n’est pas associée à une modification de la survie spécifique. Les auteurs avancent quelques hypothèses pour l’expliquer. En ce qui concerne les échographies cervicales, ils estiment qu’elles détectent des récurrences régionales (apparition de métastases dans les ganglions cervicaux), dont la signification péjorative n’a pas été pour le moment prouvée, contrairement aux métastases à distance. L’explication est différente en ce qui concerne le PET scan. Les lésions détectées par le PET scan sont en effet le plus souvent moins différenciées, plus agressives et répondent moins bien aux traitements, ce qui pourrait expliquer l’absence de bénéfice en terme de survie. Les auteurs estiment que, bien que le PET scan ait un rôle à jouer dans la surveillance des patients traités pour un cancer thyroïdien, sa place mériterait d’être plus précisément définie.
Finalement le scanner avec injection de produit de contraste iodé est le seul examen associé à une réduction de la mortalité spécifique (Hazard Ratio HR 0,70 ; IC 0,60 à 0,82). Pour les auteurs cet examen est prescrit aux patients qui présentent un cancer thyroïdien bien différencié et iodo-fixant et des signes biochimiques de récurrence. Ce type de cancers bien différenciés est le plus souvent de progression plus lente et de meilleur pronostic et les métastases sensibles au traitement par l’iode radioactif. Ceci expliquerait l’amélioration du taux de survie associée à la surveillance par le scanner avec injection.
Cette étude semble poser les bases d’une réflexion indispensable sur le suivi au long cours des patients atteints de cancer thyroïdien. Au-delà du fait qu’il indique une fois de plus que plus d’imagerie ne signifie pas obligatoirement une amélioration de la qualité des soins, il souligne aussi l’intérêt de futurs essais qui évalueraient la place des patients et de leur anxiété dans la surveillance, les motivations des praticiens quand ils prescrivent un examen d’imagerie et le pronostic des récurrences selon qu’elles sont traitées ou surveillées.
Dr Roseline Péluchon