Euthanasie : voir Bruxelles et mourir

Bruxelles, le vendredi 19 août 2016 - En 2015, en Belgique, on a totalisé 2 021 déclarations d’euthanasie selon la commission compétente.

Ces statistiques ne permettent pas de connaître la nationalité des malades, mais le phénomène du "tourisme" de l’euthanasie serait en forte croissance, principalement en provenance de France. Ainsi certains hôpitaux bruxellois, comme l’Institut de cancérologie Jules Bordet estiment qu’entre 10 et 30 % des patients qui y sont euthanasiés sont français.

« 1/3 de mes patients sont français »

Dominique Lossignol, chef de clinique dans le service des soins palliatifs de l’institut Bordet explique aux journalistes du quotidien bruxellois La Capitale : « lors de ma consultation du vendredi matin, il arrive qu’un tiers de mes patients soient français ! Sur l’année, une quarantaine de Français viennent consulter pour euthanasie, sur un total de 130 patients ».

Ce « tourisme médical » agace d’ailleurs de plus en plus outre Quiévrain, ainsi du docteur Morret-Rauis, oncologue à l’hôpital Brugmann de Bruxelles : « la Belgique n’est pas là pour euthanasier la moitié de la planète ! ». D’ailleurs, depuis le mois de mars, dans ce centre hospitalier on refuse désormais d’accueillir des citoyens français, pour ce motif. « Certains membres du personnel en ont eu marre que l’on considère leur hôpital comme "la bonne adresse". Parfois, les gens appelaient et disaient : allô, l’unité euthanasie ? Ça n’a pas plu à tout le monde » rapporte le journaliste de La Capitale qui a réalisé cette enquête.

Au cabinet de la ministre de la Santé, Maggie De Block il est juste évoqué « un nombre faible d’euthanasies effectivement pratiquées sur des patients étrangers » sans que soit donné de chiffres précis.

La Belgique plutôt que la Suisse

Si la Suisse, qui autorise le suicide assisté, est aussi le théâtre de ce tourisme de la mort, le docteur Morret-Rauis explique pourquoi elle est beaucoup moins prisée que la Belgique par les malades français : « En Suisse, le suicide assisté se fait souvent dans des maisons privées, qui demandent entre 3 000 et 4 000 euros » alors qu’ici  « cela coûte 3 jours d’hospitalisation, les consultations et 29 euros de médicaments ».

Au docteur Lossignol de conclure, en faisant part de son incompréhension face à la réalité de la situation française : « ces gens s’entendent dire : vous ne souffrez pas assez, vous manquez de courage, vous allez mourir en étouffant mais je ne peux rien faire pour vous… Résultat : on accueille chez nous des malades désespérés. La France se décharge de ces malades de manière hypocrite ! (…) Les médecins français ont tellement peur d’être accusés d’euthanasie qu’ils n’osent pas donner de sédation »...

Frédéric Haroche

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Vos réactions (3)

  • Euthanasie à la demande de malades sans option thérapeutique

    Le 22 août 2016

    Médecin généraliste belge en France, je reconnais la grande prudence nécessaire jusqu'ici pour gérer la fin de vie de patients sans option thérapeutique dans des situations de grande détresse physique et/ou morale. Pour ce qui est de la mise en oeuvre de l'euthanasie et du droit de mourir dans la dignité, il me semble exister en France une sensibilité différente de celle que nous avons dans le Nord. Cela m'a surpris puisque la Belgique est longtemps restée fortement teintée d'éthique catholique. Je supposais que la France, plus républicaine, aurait eu une longueur d'avance en matière de droit de l'homme. Quoi qu'il en soit, avec une prudence accrue depuis les jugements rendus contre le Dr Bonnemaison, je pense qu'en France il est possible de gérer la fin de vie digne de ces patients qui en ont exprimé le souhait, pour autant que les proches (et les soignants malgré la récente loi) en acceptent la volonté. Les équipes de soins palliatifs que j'ai côtoyées seraient plus réticentes au concept d'euthanasie qu'en Belgique, mais la sédation profonde et progressive est possible, après concertation, lorsqu'un consensus existe. Il me semble seulement que le souhait du patient soit actuellement mis en pratique plus vite en Belgique.
    Ce ne sont là que mes impressions.

    Dr Alain Huvenne

  • Une fois de plus...

    Le 27 août 2016

    Il est bien regrettable que soient amalgamés suicide et euthanasie.
    Comment se comprendre si l'on parle de ces sujets avec des "mots-valise" dénués de sens précis dans l'esprit des locuteurs ?
    L'euthanasie est une modalité de soin pour écourter la fin de vie chez un mourant.
    Le suicide, assisté ou non, qu'on soit malade ou non, qu'on souffre mentalement ou physiquement, à Bruxelles ou ailleurs, est une tout autre question.

    Dr Pierre Rimbaud

  • Bien que les deux sujets soient évidemment proches

    Le 28 août 2016

    ...comme l'écrit si miraculeusement un des plus grands écrivains du monde, dans son dernier roman qui est l'un de ses plus beaux
    La Succession, de Jean Paul Dubois
    Précipitez-vous, de crainte de mourir sans l'avoir lu.

    PR

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