
Brioude, le mercredi 31 août 2016 – « Il faut créer les conditions d’un nouveau souffle pour la démocratie en santé dans les territoires. Je souhaite que les nouvelles organisations territoriales issues de la loi créent dans tous les territoires une dynamique de renouvellement du dialogue, entre citoyens et décideurs, usagers et professionnels, associations et administrations. A cet égard, chaque futur groupement hospitalier de territoire (GHT) dispose d’une méthode de recueil des besoins, des attentes et des inquiétudes de la population à l’échelle de son territoire ». Ainsi parlait le ministre de la Santé le 1er février dernier lors du premier forum de l’Institut pour la démocratie en santé (IPDS). A Brioude, ville de 6 600 habitants de Haute Loire, l’invocation de Marisol Touraine fait bondir.
Plébiscite pour Clermont Ferrand
Héritier d’un hospice fondé il y a plus de 1 000 ans, l’établissement de Brioude fait face aux affres rencontrés par nombre de petits établissements. Les difficultés de recrutement sont notamment importantes. Mais les responsables de l’hôpital et les élus locaux se sont mobilisés ces dernières années pour offrir une nouvelle dynamique au centre à travers notamment des conventions avec les services d’Issoire et de Clermont-Ferrand. Ainsi, l’hôpital de Brioude dispose d’un créneau horaire pour utiliser le scanner d’Issoire, tandis que le suivi obstétrical des femmes de Brioude est réalisé dans cette même ville. Aussi à l’heure où a été annoncée la mise en place des groupements hospitaliers de territoire (GHT), c’est tout naturellement que Brioude a posé sa candidature pour être rattaché au CHU de Clermont-Ferrand. Et puisqu’il fallait faire vivre la démocratie sanitaire, la mobilisation fut massive : une pétition recueillit 3 500 signatures pour un tel rapprochement, tandis que 45 conseillers municipaux et quatre communautés de communes se prononçaient pour cette solution et qu’au sein de l’administration de l’établissement les votes étaient systématiquement en faveur de cette option.
Sur la route
Pourtant, comme le redoutaient les habitants de Brioude et les responsables de l’établissement, l’hôpital a été finalement rattaché au GHT du Puy-en-Velay et du CHU de Saint-Etienne. L’Agence régionale de santé (ARS) a indiqué vouloir faire jouer une logique départementale, alors que tant d’autres GHT l’ont contournée sans états d’âme. Cette décision fortement contestée apparaît quasiment irrévocable, puisqu’une demande de dérogation récemment déposée vient d’être rejetée. Du côté des défenseurs d’un rattachement à Clermont-Ferrand la colère domine. « C’est incompréhensible. Les Brivadois sont depuis toujours tournés vers Clermont-Ferrand » insiste le président du comité de vigilance de l’établissement, François Boudet dans le Parisien. Les raisons d’une telle préférence sont nombreuses. Outre les multiples conventions passées avec l’hôpital de Clermont-Ferrand, son accès est beaucoup plus aisé. « Le Puy est à une heure de route au moins, et l’hiver il faut passer le col de Fix, qui n’est pas déneigé la nuit » explique le maire (DVD) de Brioude, Jean-Jacques Faucher. A cette heure difficile de transport, pourrait s’en ajouter une autre dans les cas les plus graves nécessitant un transfert à Saint Etienne, quand Clermont-Ferrand n’est qu’à 60 km d’autoroute.
Menace pour la survie de l’hôpital
Outre ces considérations pratiques, beaucoup redoutent qu’un rapprochement à marche forcée avec Le Puy ne signifie la disparition à terme de l’hôpital de Brioude. Les collaborations mises en place pour l’heure entre le Puy et Brioude n’ont en effet guerre était encourageantes. Ainsi, alors que 500 opérations de la cataracte étaient prévues dans le cadre d’un partenariat médical par un chirurgien du Puy à Brioude, seules 35 ont été réalisées en 2015. A l’image de cet exemple, André Chapaveire, conseiller régional, se montrait très pessimiste au printemps dernier cité par les médias locaux: « Si on est rattaché au Puy, l’hôpital de Brioude est mort ».
Pressions politiques obscures
Du côté de la direction de l’hôpital, on se veut confiant, après avoir eu l’assurance de l’Agence régionale de santé (ARS) que les partenariats avec Clermont-Ferrand ne seraient pas remis en cause. L’ARS assure encore que les patients ne seront pas contraints de suivre la filière du GHT s’ils la refusent, mais les opposants se montrent dubitatifs face à de telles promesses. Ils ont l’intention de poursuivre leur combat, jusque devant les tribunaux administratifs. La colère gronde également contre le ministre de la Santé, car beaucoup considèrent qu’elle n’est pas étrangère à la situation. « La personne qui décide au final c’est quand même bien la ministre de la Santé, Marisol Touraine » faisait ainsi remarquer au printemps le député Peter Vigier (LR). Le Collectif interassociatif des usagers de la santé (CISS) n’exclut pas lui aussi des pressions politiques « loin des critères de cohérence sanitaire » déplorait dans Libération un membre du groupe. Faut-il voir en Brioude un nouvel exemple de l’hypocrisie du ministère de la Santé en matière de démocratie sanitaire ou un raté unique de la réforme des GHT ? L’histoire de la ville rappelle en tout état de cause qu’au sein des défenseurs des petits hôpitaux, la réforme des GHT continue à faire l’unanimité contre elle.
Aurélie Haroche