
Paris, le samedi 1er octobre 2016 – Au moment des débats autour de l’ouverture du mariage aux couples homosexuels, la question de l’accès à la Procréation médicalement assistée (PMA) des couples de femmes a finalement été écartée. Le sujet a cependant été largement abordé, ce qui a entre autres contribué à rappeler qu’un certain nombre de femmes seules ou homosexuelles n’avaient pas attendu d’obtenir l’accès à la PMA (comme cela est le cas dans certains pays) ni même la PMA pour devenir mères. Outre celles ayant pu réaliser leur projet familial grâce au concours d’un ami, beaucoup ont eu recours à un donneur de sperme en dehors du cadre légal. Et ici, internet a permis de faciliter les contacts entre ceux qui souhaitent bénéficier d’un don de sperme en dehors des circuits autorisés et de potentiels donneurs. C’est ce qu’a pu constater la journaliste Sarah Dumont qui vient de publier un livre sur un phénomène méconnu : Super-géniteurs, Enquête sur le don de sperme sauvage en France.
Immersion
En se faisant passer pour une femme célibataire souhaitant avoir un deuxième enfant, Sarah Dumont a pu rencontrer 28 donneurs. Elle a complété son enquête en recueillant avec sa véritable identité le témoignage d’autres donneurs et de femmes à la recherche d'un don de sperme et en évoquant la question avec des avocats, des médecins, des psychologues et des sociologues (rares) ayant enquêté sur le sujet. Sarah Dumont peut ainsi établir un profil des personnes en quête d’un don de sperme, des donneurs et des méthodes utilisées.
Profils hétérogènes
Si les femmes homosexuelles représentent la grande majorité des demandes, on compte également des femmes célibataires et quelques couples hétérosexuels. « Parmi eux, on trouve des couples qui ont entamé une démarche légale mais que la lenteur du processus épuise. D’autres veulent contourner le don anonyme, imposé par la loi en France, afin de connaître l’identité du donneur » note-t-elle pour le Figaro. Du côté des donneurs, les profils sont également divers. Il s’agit souvent d’hommes trop âgés pour être retenus par les CECOS ou d’hommes sans enfants (qui ne sont plus écartés depuis peu). Certains sont des militants de la cause homosexuelle. Plus rarement, la journaliste a rencontré « des hommes avec des troubles psychologiques, à qui le don de sperme confère un sentiment de puissance ». Certains donneurs affirment en effet « comptabiliser jusqu’à 50 enfants nés grâce à leur don de sperme ».
La meilleure méthode pour faire un enfant
Sarah Dumont établit par ailleurs un panorama des méthodes employées. « Il y a trois méthodes. L'artisanale pure, où le donneur recueille son sperme dans un récipient afin que la donneuse se l'injecte avec une pipette de Doliprane. Beaucoup de conseils pratiques circulent sur les réseaux sociaux. Il y a la méthode semi-naturelle, qui consiste en une pénétration au moment de l'éjaculation. Et enfin, il y a la méthode naturelle, c'est-à-dire le rapport sexuel classique. Dans l'idéal, toutes les receveuses souhaitent utiliser la méthode artisanale, mais de nombreuses femmes acceptent la méthode semi-naturelle, réputée plus efficace » détaille-t-elle pour le Figaro. Les conditions tarifaires sont également très diverses et vont de la gratuité totale (qui parfois masque un désir mal dissimulé de rapports sexuels) à des prix prohibitifs (autour de 2 000 euros). Quand la méthode choisie est un rapport sexuel, comment alors ne pas y voir une situation proche de la prostitution ?
Des risques multiples
Au-delà de la mise à jour d’une réalité méconnue, l’enquête de Sarah Dumont interpelle sur le silence des autorités, face à un phénomène non sans conséquences, notamment quand le nombre d’enfants par donneurs dépasse largement les prescriptions officielles. Quid également de la transmission de différentes maladies? Et quelle assurance pour les donneurs que les enfants nés grâce à leur sperme ne les contraindront pas à les reconnaître et à assumer l'ensemble de leurs responsabilités à leur égard. Une cascade de conséquences, parmi d'autres, qui imposent sans doute une réflexion.
Aurélie Haroche