Exclusif : les professionnels favorables à l’autoconservation des gamètes des donneurs sans enfant

Paris, le mercredi 16 décembre 2015 – Pour satisfaire l’attente des couples engagés dans un programme de procréation médicalement assistée (PMA) nécessitant un don d’ovocyte, quelques 900 donneuses devraient être recrutées chaque année. Les 456 dons enregistrés en 2013, s’ils marquent une très nette progression par rapport à 2008 (où le seuil des 265 dons n’était pas dépassé) sont insuffisants pour répondre à ces demandes, ce qui aggrave un peu plus les délais d’attente. Face à cette situation, un décret a été adopté au mois d’octobre, qui constitue une légère entorse au sacro-saint principe de gratuité des dons. Alors que beaucoup ont souligné que la rémunération des donneuses, pratiquée dans d’autres pays d’Europe et notamment en Espagne, permettrait probablement de faire progresser les dons, le gouvernement a opté pour une solution qui évite une rétribution monétaire mais qui permet cependant de renforcer l’attractivité de ce geste. Désormais, les dons d’ovocyte et de sperme sont ouverts aux personnes sans enfant, qui pourront bénéficier de la conservation pour elles-mêmes d’une partie de leurs gamètes.

Une majorité approbatrice mais des arguments multiples dans l’opposition

Cette évolution a rencontré l’adhésion de la majorité des professionnels impliqués dans les activités de PMA. Les spécialistes ont jugé que la rédaction du décret permettait de conserver sa primauté au don et de ne placer la possibilité de l’autoconservation qu’en second plan. Ils ont ainsi jugé que des "gardes fous" suffisants avaient été mis en place pour écarter les candidats uniquement attirés par la possibilité de faire "vitrifier" leurs gamètes. Cependant, quelques voix dissonantes se sont faites entendre qui ont regretté un « dévoiement » déguisé du principe de gratuité et se sont inquiétées de certaines dérives. Quelques gynécologues ont notamment tenu à mettre en garde contre les risques associés aux grossesses tardives qui pourraient être favorisées par les conservations d’ovocyte, quand d’autres ont jugé qu’il fallait éviter que cette conservation soit considérée comme une « assurance », alors que les taux de grossesse après vitrification ne sont pas optimaux.

Un sujet sur lequel il n’est pas si facile d’accoucher d’une opinion 

Ce partage de l’opinion s’illustre dans les résultats du sondage conduits sur ce sujet sur notre site du 22 octobre au 6 décembre. Une assez large majorité de professionnels de santé lecteurs du JIM (66 %) s’est en effet déclarée favorable à la possibilité offerte aux donneurs de gamètes sans enfants de faire conserver une partie de leurs ovocytes ou sperme pour eux-mêmes. Ils ne sont à contrario que 22 % à réprouver cette évolution, tandis que s’interrogeant sans doute sur les conséquences d’une telle mesure, 12 % ont considéré difficile de se prononcer.

Sondage réalisé du 22 octobre au 7 décembre

 

Egalité face à la vitrification

De fait, cette mesure ne représente pas uniquement un changement au regard de la "gratuité" des dons de gamètes, mais elle élargit également le champ de la conservation des gamètes sans raisons médicales. Or, cette question continue à faire débat. En France, l’autoconservation des ovocytes pour convenance personnelle est impossible. Concernant le sperme, la situation est plus souple, puisqu’elle est autorisée en cas de vasectomie. Depuis plusieurs années, le Collège national des gynécologues obstétriciens français (CNGOF) plaide pour une évolution de la situation et notamment pour une libéralisation de la vitrification des ovocytes sans raisons médicales. Bien que le CNGOF continue à vouloir mettre en garde les femmes contre les risques liés aux grossesses tardives, il juge difficile de méconnaître les transformations de la société qui poussent un nombre croissant de femmes à souhaiter devenir mère à un âge plus avancé que par le passé. Par ailleurs, le CNGOF considère que l’inégalité qui existe entre les hommes et les femmes sur ce plan doit être rétablie.

De plus en plus de femmes tentées de mettre au frais leurs ovocytes

La société se montre bien plus frileuse sur ces questions, même si certains signes témoignent que des changements pourraient émerger. Alors qu’on se souvient des critiques émises en France au lendemain de la proposition d’Apple et de Facebook de financer en partie la vitrification des ovocytes des jeunes femmes qui souhaiteraient faire partie de leur entreprise, un sondage récemment réalisé par Odoxa pour une clinique barcelonaise spécialisée dans les traitements de l’infertilité a mis en évidence que 59 % des Français seraient opposés à une loi autorisant la conservation des ovocytes pour des raisons personnelles. Cette sévérité contraste cependant avec le fait que 54 % des mêmes sondés disent comprendre les femmes qui se rendent à l’étranger pour mettre leurs ovocytes "au frais". Cette pratique en effet tend à prendre de l’ampleur.

Selon des chiffres avancés par le Parisien il y a une dizaine de jours, cinq cent Françaises ont cette année choisi des banques belges ou espagnoles pour faire congeler leurs ovocytes. Au regard des résultats de notre sondage, il semble que les professionnels de santé ne condamneraient pas nécessairement cette tentation.

Aurélie Haroche

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