
La cigarette électronique est à la fois un sujet de conversation dans les diners en ville, un objet de controverse médicale et un enjeu économique majeur (10 milliards de dollars de chiffre d'affaire prévus en 2017 aux Etats-Unis répartis sur des dizaines de millions d'utilisateurs!). En témoignent les 2 301 références sur Pubmed depuis son apparition sur le marché et les 70 documents publiés sur ce sujet par JIM.fr.
Les polémiques scientifiques portent essentiellement sur l'efficacité de la e-cigarette dans le sevrage tabagique, les dangers d'addiction à la nicotine pour les jeunes non-fumeurs et les risques liés à l'aérosolisation des divers liquides utilisés dans ces dispositifs. Sur tous ces sujets, selon une mise au point complète publiée dans le New England Journal of Medicine (1), le consensus est encore très loin de nous, faute d'études épidémiologiques suffisamment longues et étayées et de l'impossibilité d'essais en double aveugle.
Mais à côté de ces avantages et de ces risques à long terme, peu de travaux ont été consacrés aux dangers immédiats liés à l'adoption de la e-cigarette.
Il peut s'agir d'intoxication après ingestion accidentelle (chez l'enfant) ou volontaire des liquides contenus dans le réservoir de la e-cigarette (dont un cas mortel a été décrit en 2015).
Quand la e-cigarette explose (au sens propre)
Mais il peut aussi s'agir également d'explosion de la pile au
lithium du dispositif comme le rapporte une publication dans le
même numéro du New England Journal of Medicine, daté du 6
octobre.
E Brownson et coll. de Seattle décrivent l'expérience
impressionnante de leur hôpital entre octobre 2015 et juin 2016
(2). Au cours de ces quelques mois 15 patients y ont été traités
pour des blessures consécutives à l'explosion de la pile au lithium
d'une cigarette électronique. Il s'agissait de brûlures thermiques,
de brûlures chimiques ou de blasts ayant atteint le visage, les
mains, les cuisses ou l'aine. Ces accidents ont pu se compliquer de
perte de dents, de "tatouages" traumatiques et de perte de
substance au niveau des tissus mous. Leur prise en charge a pu
nécessiter dans certains cas des débridement chirurgicaux, des
greffes cutanées, des interventions de chirurgie plastique et un
suivi psychologique.
Les auteurs n'évoquent aucune hypothèse pour expliquer cette « épidémie » d'explosions de batteries de e-cigarettes qui semble tout à fait exceptionnelle eu égard aux 25 cas seulement rapportés dans toute la littérature aux Etats-Unis entre 2009 et 2014. Il est donc difficile de déterminer si ces accidents sont liés à une marque de e-cigarette ou de pile particulière (on recense 466 marques de cigarettes électroniques aux Etats-Unis!), à un fournisseur local, à des lots défectueux, à une mauvaise utilisation ou à une dangerosité intrinsèque de ce dispositif qui serait jusqu'ici passée inaperçue (ce qui semble statistiquement peu probable). Des enquêtes de diverses autorités sanitaires et judiciaires sont très vraisemblablement déjà en cours.
Quoi qu'il en soit, cette série inquiétante invite les utilisateurs à la prudence et les professionnels de santé à la vigilance.
Dr Celine Dupin