Grippe : à qui la faute ?

Paris, le jeudi 12 janvier 2017 – Alors que Marisol Touraine a averti hier que le bilan de l'épidémie de grippe serait « probablement lourd » une réunion sur la gestion de la crise, présidée par François Hollande, et en présence du ministre de la Santé, du directeur général de l'Assistance Publique-Hôpitaux de Paris et du directeur général de l'agence régionale de santé d'Ile-de-France s’est tenue ce matin. A sa sortie, Marisol Touraine, a de nouveau regretté : « la défiance qui existe dans notre pays à l'égard de la vaccination (…) [et que] les patients et les soignants ne se vaccinent pas assez », prenant ainsi sa part au débat né hier sur les responsabilités dans cette mauvaise gestion d’une épidémie de grippe, importante, mais somme toute pas exceptionnelle.

Les suppressions de lits en cause ?

Face à l’engorgement des hôpitaux lié à cette épidémie de grippe, la polémique n’a pas manqué de poindre au sujet des « manques de moyens » et des suppressions de lits. Patrick Pelloux, président de l’Association des médecins urgentistes de France (AMUF), et Philippe Juvin, chef du service des urgences de l’Hôpital Georges-Pompidou et député européen (LR), ont ainsi critiqué la politique de fermetures de lits menée selon eux ces dernières années.

De même le maire de Fontainebleau et président de la Fédération hospitalière de France Frédéric Valletoux (LR) a assuré que « le gouvernement a supprimé 16 000 lits dans les hôpitaux sans le dire depuis 2014 », ce à quoi le ministre réponds qu’au contraire « il y a 2 500 lits de plus en médecine dans les hôpitaux français aujourd’hui par rapport à 2012 ».

Plus globalement, pour Christophe Prudhomme, porte-parole de l’AMUF, s’exprimant au micro de France Info : « il faut que la ministre reconnaisse, que depuis 30 ans, nous avons mis à mal notre système de santé qui n'est plus capable de répondre chaque année à une épidémie de grippe » et que notre « système de santé est à un seuil de dégradation qui ne lui permet plus de répondre à un évènement tout à fait banal qui survient régulièrement » en raison de la « potion amère des réductions d'effectifs, des fermetures de lits, avec des directeurs qui n'ont qu'un seul mot à la bouche, faire des économies au détriment des patients ».

Une nouvelle manifestation du burn-out des médecins ?

Christophe Prudhomme a également alerté sur l'épuisement des médecins qui ne seraient plus en mesure de « prendre en charge les patients correctement » et de souligner les « démissions importantes de collègues qui n'en peuvent plus ».

Il a aussi pointé du doigt la responsabilité de l’accord concernant le temps de travail des médecins urgentistes, qui a été signé en décembre 2014 et qui n’est toujours pas appliqué. Pour lui, « un certain nombre de morts auraient pu être évités si on avait pu prendre en charge les patients dans de meilleures conditions. »

Un stigmate de la « destruction » de la médecine libérale ?

Pour d’autres, Marisol Touraine récolte les fruits d'une politique qui a visé à recentrer l'offre de soins vers les hôpitaux au détriment de la médecine libérale.

Ainsi, interrogé par Atlantico, le Dr Jean-Paul Hamon de la Fédération des Médecins de France explique « les patients atteints de la grippe ont toute leur place dans les maisons médicales de garde créées par des médecins libéraux et pas aux urgences [mais] il n’y a pas assez d’éducation de la population sur le bon usage de l’hôpital et Marisol Touraine en porte la responsabilité (…) la politique dogmatique anti- secteur privé menée par Mme Touraine a évidemment dégradé la couverture médicale en ville ».

Et si c’était la faute des professionnels de santé ?

S’écartant de ces considérations, le directeur général de la Santé Benoît Vallet, a lancé hier un pavé dans la marre en suggérant que c’était la couverture vaccinale trop faible des professionnels de santé qui était en cause et que les mesures incitatives n’était plus suffisantes. 

Rappelons que les parlementaires, il y a un peu plus de dix ans, avaient inscrit l’obligation vaccinale antigrippale des professionnels de santé dans le code de la santé publique, mais un décret du ministre de la santé de l’époque avait finalement « suspendu » la mise en œuvre de cette mesure.

Cette idée et ce qu’elle sous entend a été fraichement accueillie par les organisations syndicales. « Il faut se garder d’une culpabilisation des soignants » a ainsi prévenu Nathalie Depoire, présidente de la Coordination nationale infirmière, tandis que Thierry Amouroux, secrétaire général du Syndicat national des professionnels infirmiers CFE-CGC, pourtant favorable à l’obligation, voit dans cette évolution « un contre-feu, une manipulation de Marisol Touraine. Elle nous jette en pâture en disant que s’il y a ce problème, c’est parce que les soignants ne sont pas vaccinés ».

L’Ordre national des médecins s’est pour sa part prononcé en faveur d’une telle obligation « ce serait une mesure de bon sens pour ajouter une protection contre les épidémies », a ainsi fait valoir son président Patrick Bouet, au site Pourquoi Docteur.

Frédéric Haroche

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Vos réactions (3)

  • Et on continue !

    Le 13 janvier 2017

    Continuons, c'est si bon! La polémique est l'activité favorite des français. Elle dédouane les ministres, justifie le salaire - considérable - du Directeur général de la santé, permet aux syndicats de demander du personnel, des lits et des avantages sociaux, nourrit les médias qui vont vendre de la dispute, des appels à la démission et si possible quelques suicides par ci par là.

    A qui la faute de la grippe? A un virus, souvent mutant, redoutable et qui tue chaque hiver. Et même parfois hors saison. Ni la faute de la ministre, encore moins celle des médecins vaccinés ou non, ni à une couverture vaccinale insuffisante - tiens ça sent le lobbying des laboratoires.
    Virus qui tue qui? D'abord les personnes âgées et immuno-déprimées, mais parfois aussi des personnes qui "n'auraient pas dû mourir de ça".
    Désolé d'énoncer une vérité triviale : il faut mourir un jour. Etant moi-même âgé, je suis conscient que les personnes âgées qui n'ont eu ni crise cardiaque, ni accident, ni cancer finissent par mourir : de la grippe l'hiver, de la chaleur l'été, de vieillesse tout simplement.
    Désolé de devoir en énoncer une autre : il n'est pas souvent nécessaire d'être hospitalisé pour guérir de la grippe. Dommage pour les demandes de lits et de postes.

    Alors qu'y a t-il derrière tous ces discours? De la démagogie, beaucoup de mauvaises intentions à l'égard du corps médical et peu de soucis des malades. Et bien peu de respect des soignants. Dommage pour un pays où la médecine est une des meilleures du monde. Et ce n'est pas grâce à Madame Touraine et à son Directeur de la Santé...

    Dr Jean-François Michel

  • Merci aux ligues anti-vaccinales

    Le 13 janvier 2017

    Sondage lundi dans un service d'EHPAD touchés par l'épidémie: 15 personnes présentes aux transmissions: 3 vaccinés contre la grippe: l'hygiéniste venu rappelé les précautions complémentaires, le médecin coordonnateur et une IDE. Pas une AS ni une ASH vaccinée contre la grippe alors que ces personnels sont au contact TOUS les jours avec des résidents fragiles!

    Alors OUI à l'obligation vaccinale pour tous les personnels soignants des hôpitaux, EHPAD, MAS...

    Nous allons avoir les résultats de la campagne des ligues anti-vaccinales avec un nombre de décès qui va forcément être important chez nos ainés (malheureusement faiblement protégés par le vaccin, vaccin qui est autrement plus efficace chez les soignants)

    Dr FL

  • Sites anti-vaccins

    Le 13 janvier 2017

    Pourquoi a-t-on légiféré contre les sites anti-avortement et ne le fait-on pas contre les sites qui délivrent des messages erronés présentés de façon ""scientifique"" (avec double guillemets) et qui d'ailleurs se vantent parfois de ne pas signer la charte HON (health on net). Sans les supprimer, on pourrait imaginer un avertissement pour le lecteur sur ce genre de site car les conséquences de cette désinformation seront en effet de plus en plus visibles.

    Dr Blandine Courtot

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