
Paris, le lundi 23 janvier 2017 – Pour la première fois aujourd’hui, les Franciliens expérimentent le concept de circulation "différenciée". Les conditions météorologiques de ces derniers jours ont en effet entraîné un nouveau pic de pollution avec un dépassement du seuil d’alerte aux particules fines (une concentration de 80 µg/m3) dès samedi soir où les taux atteignaient déjà 90 µg/ m3. Aussi, aujourd’hui, seuls les véhicules disposant d’une vignette Crit’air de classe 1 à 4 pourront circuler : seront donc interdites les voitures dont l’immatriculation est antérieure à 2001 (tandis que celles dont l’immatriculation est antérieure à 1997 connaissent quotidiennement d’importantes restrictions de circulation). Cette mesure s’applique à la capitale et à 69 communes de la petite couronne. A Lyon, qui n’a pas encore rendu obligatoire la vignette Crit’air, c’est une circulation alternée améliorée qui est appliquée. Les véhicules présentant une plaque paire pourront circuler si elles sont dotées d’une vignette « zéro émission », quelle que soit sa couleur. La mise en œuvre aujourd’hui de cette mesure représente un coup d’essai, dont les résultats pourraient être difficilement interprétables : de nombreux automobilistes ne s’étant pas encore conformés à l’obligation de se procurer la fameuse vignette.
Un comité diligenté par la Région
Dans ce contexte de restriction de la circulation, les
polémiques autour de l’impact de la fermeture à Paris de la voie
Georges Pompidou connaissent un nouveau pic. La semaine dernière a
en effet été marquée par la publication de conclusions quelque peu
contradictoires sur les effets de cette mesure très discutée, en
raison notamment d’une absence réelle de concertation (ou d’une
concertation jugée artificielle).
Côté pile, le comité régional de suivi et d’évaluation des impacts
de la piétonisation des voies sur berge rive droite à Paris a rendu
un troisième rapport sur le sujet. Missionné par la région (hostile
à la méthode choisie par Anne Hidalgo). Ce groupe de travail
présidé par Pierre Carli (médecin chef du Samu de Paris) réunit des
représentants d’Airparif, de Bruitparif, du syndicat des transports
d’Île-de-France (STIF), de l’Institut d’aménagement et d’urbanisme
(IAU), de l’Observatoire régional de santé (ORS) et de France
Nature Environnement. Les conclusions de ce comité se basent sur
les résultats des treize stations fixes d’Airparif installées sur
les quais hauts rive droite. Les données de l’année 2016 ont été
comparées à celles de 2014 et 2015, mais le mois de décembre,
marqué par plusieurs épisodes de pic de pollution a été exclue.
Ainsi, les dernières observations du comité concernent les mois de
septembre, octobre et novembre.
Dégradation brutale de la qualité de l’air après plus de deux ans d’amélioration...
Les membres du groupe ont pu constater une amélioration de la qualité de l’air entre 2014 et 2015 qui s’est confirmée jusqu’en août 2016. Mais « en septembre, octobre et novembre, on assiste au contraire à une dégradation. Cela marque une rupture de tendance concomitante de la non réouverture de la voie au 1er septembre dernier » expliquent les membres du comité. Ces derniers appuient encore leur démonstration par la mise en évidence d’une hausse de 53 % des taux de dioxyde d’azote sur les quais hauts et de 18 % sur le boulevard Saint Germain, augmentations qui s’accompagnent d’une progression respective des concentrations en particule fine de 40 et 18 %. Les niveaux sonores seraient également plus élevés.
...mais la pollution sur les voies sur berges est bien plus faible qu’ailleurs !
Très décevants pour les promoteurs de la fermeture des voies (et surtout pour la lutte contre la pollution), ces résultats sont présentés assez différemment par Airparif (pourtant partie prenante du comité). Dans un bilan publié également la semaine dernière, le réseau de surveillance de la qualité de l’air écrit : « Les niveaux mensuels (…) ne montrent aucune tendance claire imputable à la seule fermeture des voies sur berges ».
Faisant le choix de commenter les résultats mensuellement et non trimestriellement, Airparif ne retrouve pas l’effet catastrophique souligné par le comité régional. On constate en effet en septembre, octobre ou novembre des fluctuations « similaires aux autres stations du réseau d’observation d’Airparif » indique ce dernier. Le bilan fait par exemple observer que les concentrations de dioxyde d’azote les plus fortes relevées le long de la voie Georges Pompidou (entre 80 et 90 µg/m3) se retrouvent également sur d’autres grands axes de la capitale. Par ailleurs, Airparif préfère se concentrer sur le fait que sur les voies sur berge, désormais libres de toute circulation, « les niveaux de pollution sont de l’ordre de 10 % plus faibles sur le trottoir côté Seine, que sur le trottoir côté bâtiments. De même sur les quais bas, les cyclistes et les piétons sont exposés à des niveaux de dioxyde d’azote 25 % moins importants, que sur le trottoir côté Seine des quais hauts ».
Inclure ou non décembre 2016 ?
Difficile de ne pas voir dans ces présentations très différentes, l’effet de convictions partisanes, même si toutes les structures n’ont de cesse de clamer leur indépendance ! Il faut dire également que le sujet est complexe et résiste mal à la schématisation, comme l’a fait lui-même remarquer Pierre Carli lors de la présentation des résultats et comme le suggère Airparif dans son bilan qui insiste sur l’importance d’un plus grand recul.
Cependant, les mêmes divergences et l’absence d’objectivité parfaite se retrouvent lorsqu’on s’intéresse à la question (moins médicale mais probablement bien corrélée) des temps de parcours. Ainsi, le Comité régional signale en septembre, octobre et novembre une augmentation du temps de parcours de 11 minutes sur les quais hauts par rapport aux deux années précédentes, progression qui est de trois minutes le soir. La hausse est encore de 3,30 minutes boulevard Saint Germain le matin et de 9 minutes le soir. Mais dans le communiqué publié la semaine dernière par la Mairie de Paris, là encore, on se montre rassurant. Tout en remarquant que le mois de décembre 2016 a été marqué par une diminution de la circulation (liée aux pics de pollution), la Mairie se félicite de voir qu’au fil des mois, la hausse des temps de parcours semble s’amenuiser. De fait, passé sur les quais hauts rive droite de 11,7 minutes en décembre 2015 à 14,9 minutes en novembre 2016, il est redescendu à 14,3 minutes en décembre 2016. Une tendance encourageante pour la Mairie qui lui fait croire que la normalisation sera atteinte au printemps.
A voir.
Aurélie Haroche